La ministre polonaise de l’égalité, Katarzyna Kotula, a pris la parole lors d’un débat sur la libéralisation de l’accès à l’avortement au parlement polonais, à Varsovie, le 11 avril 2024.
Il s’agit d’un vote historique, mais qui marque seulement le début d’un processus potentiellement long et complexe. La Diète, chambre basse du Parlement polonais, a adopté en première lecture, le vendredi 12 avril, quatre propositions de loi visant à assouplir le droit à l’avortement, renvoyant ces propositions à une commission parlementaire spéciale pour des travaux supplémentaires. C’est la première fois depuis l’instauration de la Constitution polonaise en 1996 que de telles mesures franchissent avec succès l’étape de la première lecture par les députés.
Les quatre projets de loi ont été présentés par des partis de la coalition pro-européenne au pouvoir depuis les élections d’octobre 2023, succédant à huit ans de gouvernance par le parti nationaliste Droit et Justice (PiS). La Gauche unie a déposé les deux premiers textes, proposant respectivement la décriminalisation de l’aide à l’avortement et la légalisation totale de l’IVG sans entraves jusqu’à la douzième semaine de grossesse. Le troisième projet, présenté par la Coalition civique libérale dirigée par le Premier ministre Donald Tusk, propose également une légalisation jusqu’à la douzième semaine, mais avec certaines restrictions absentes du projet de la Gauche unie.
En revanche, le quatrième projet de loi de la Troisième Voie, coalition du parti conservateur paysan PSL et du mouvement démocrate chrétien « Pologne 2050 » de Szymon Holownia, plaide pour un retour au compromis en vigueur de 1993 à 2020, qui limitait l’avortement à trois cas précis : malformation du fœtus, dangers pour la vie ou la santé de la mère, et grossesse résultant d’un viol ou inceste. La Troisième Voie propose également un référendum sur une éventuelle extension de la légalisation de l’IVG, une option contestée par les organismes féministes.
En 2020, le Tribunal constitutionnel, sous le contrôle du PiS, avait jugé que l’avortement pour malformation du fœtus (le principal motif d’interruption de grossesse à l’époque) n’était pas conforme à la Constitution polonaise, rendant ainsi l’IVG pratiquement illégale. Cette décision avait entraîné des manifestations massives à travers le pays, et le vote des femmes aux élections législatives suivantes avait été déterminant pour la victoire de la coalition démocrate. Le vote de ces quatre projets de loi vendredi était loin d’être acquis, car la question de l’avortement reste un point de discorde majeur au sein de la coalition gouvernementale.
Les tensions entre la Gauche unie et la Troisième Voie ces dernières semaines ont suscité des inquiétudes au sein du camp démocrate, et ce vote représentait un test crucial d’unité. Un échec aurait entraîné une crise gouvernementale majeure. L’accord conclu impliquait un soutien mutuel entre le projet plus conservateur de la Troisième Voie et les propositions plus libérales de la gauche en vue du futur débat en commission. Cependant, jusqu’à la dernière minute, le soutien de certains députés du parti paysan PSL n’était pas garanti.