Alors que le président de la République doit présenter une nouvelle feuille de route pour les outre-mer dans le cadre de la future loi de programmation militaire, un rapport du Sénat, approuvé le mercredi 25 janvier, que Le Monde a pu consulter, effectue un tour d’horizon critique de la politique française en Indo-Pacifique. Dans un contexte de tensions grandissantes dans la région, notamment de pressions de la Chine sur nombre de zones économiques exclusives (ZEE), les sénateurs Cédric Perrin et Rachid Temal, qui ont conduit leurs travaux au cours de l’année 2022, estiment que la stratégie française manque de « lisibilité ».
Selon la définition française, l’Indo-Pacifique va de la Polynésie française à La Réunion, de la Nouvelle-Calédonie aux côtes de l’Afrique de l’Est. La France y recense 1,6 million de citoyens répartis sur sept régions, départements et collectivités, auxquels il faut ajouter 11 millions de kilomètres carrés de ZEE, ce qui en fait la deuxième surface maritime de ce type au monde après celle des Etats-Unis.
Les sénateurs soulignent que la présence militaire globale dans cet espace atteint quelque 8 000 hommes, mais ces troupes sont très éclatées, et pilotées par cinq zones de commandements différentes. 1 500 militaires sont basés à Djibouti, 650 aux Emirats arabes unis (EAU), et ponctuellement 700 marins en mission. Seul le reste des effectifs est situé entre l’océan Indien et le Pacifique : 2 000 entre La Réunion et Mayotte, 1 600 en Nouvelle-Calédonie et 1 200 en Polynésie française.
Les sénateurs estiment que cet éparpillement devrait faire l’objet d’un redécoupage pour mieux cibler les efforts et formulent un certain nombre de propositions, notamment un nouveau zonage permettant de « mieux intégrer le Pacifique Sud, Taïwan et l’Amérique latine ». Or, hormis Djibouti et les EAU, qui disposent d’avions de chasse à demeure et servent d’escale régulière pour la marine, les autres implantations françaises en Indo-Pacifique ne disposent que de trois à cinq bâtiments de surface chacune, deux à cinq avions de surveillance, et deux à quatre hélicoptères.
Les sénateurs constatent que la plupart de ces moyens sont vieillissants et limités face à de telles distances. « Il arrive ainsi que les forces ne puissent pas être présentes lorsque de grandes puissances de l’Indo-Pacifique les informent du passage de navires dans la ZEE française, ou qu’elles ne soient pas en mesure de répondre à plusieurs urgences concomitantes », illustrent-ils.
Mots-Clés: Cédric Perrin, Rachid Temal, Djibouti, Emirats Arabes Unis, La Réunion, Nouvelle-Calédonie, Polynésie Française, Chine, ZEE, Etats-Unis, Taïwan, Amérique Latine.