Au téléphone, deux marchands de chevaux discutent d’un camion chargé de dix-sept chevaux qui est prêt à partir pour un abattoir en Pologne. « Salut Robert. On est emmerdés avec cinq ou six [chevaux]… Ils ne veulent pas nous faire les [carnets] sanitaires [d’échange intracommunautaire] parce qu’il n’y a pas les [feuillets de] traitements médicamenteux. Tu pourrais nous les faire ?– Ouais ! Vous voulez le faire quand ça ? »
Le tribunal correctionnel de Marseille a entendu au cours d’une audience les écoutes téléphoniques enregistrées par les gendarmes en 2013. Ces conversations révèlent un vaste schéma de fraude qui a permis d’abattre des centaines de chevaux impropres à la consommation humaine dans des abattoirs situés en France, en Espagne, en Italie et en Pologne.
Les prévenus présents à l’audience ont expliqué les manœuvres mises en place pour contourner les lois. Ils ont recouru à des faux documents administratifs et sanitaires, ainsi qu’à une tromperie des bouchers et des consommateurs sur la qualité de la viande commercialisée.
Robert Brondex, 68 ans, était l’un des prévenus. Il a décrit son parcours professionnel : ouvrier agricole chez un marchand de bestiaux, puis commerçant de chevaux à son compte à Chambéry. « J’ai acheté mon premier cheval à 13 ans. » C’est lui qui a été enregistré au téléphone par les gendarmes. Il demandait à Patrick Rochette, grossiste en viande à Narbonne, de lui fournir un carnet d’identification pour une jument Haflinger sans papiers.
Les prévenus ont aussi reconnu avoir échangé des passeports de chevaux morts pour des bêtes sans papiers, en veillant à ce que la race et la couleur de robe soient proches. C’est ce qui s’est passé avec les juments Bibiche et Myrtille. Myrtille, vendue par Robert Brondex sur une foire aux bestiaux de Beaucroissant (Isère), a été abattue en 2009 et son passeport a été utilisé pour abattre Bibiche plus tard.
Les prévenus ont expliqué que la manipulation des documents était une pratique courante pour contourner les lois. Patrick Rochette a déclaré devant les juges : « Toute la vie, ça a été la galère avec les papiers des chevaux ». Sur les écoutes, on l’entend conseiller à un correspondant : « Pour l’exportation, dis que c’est pour l’élevage, laissant penser que les chevaux seront vendus à des particuliers ou des clubs et, en chemin, il suffit de « cocher la case abattoir ».
Mots-Clés: Cheval, Fraude, Carnet Sanitaire, Abattoir, Pologne.