À l’approche des élections législatives de 2024, la France se trouve à un carrefour déterminant, avec le spectre de l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national (RN) en tête. Cette perspective suscite de profondes interrogations quant à l’avenir sociopolitique et culturel du pays. Parmi les inquiétudes majeures, la question de la liberté d’expression artistique et cinématographique prend une place prépondérante. Cet article explore les éventuelles conséquences de la gouvernance du RN sur le monde du cinéma, en mettant en lumière les témoignages et craintes de figures emblématiques de la scène culturelle française, telles qu’Eric Gouzannet, directeur du cinéma L’Arvor.
Législatives 2024 : France aux portes d’un tournant avec le Rassemblement national
Dimanche soir, si la tendance du premier tour des législatives se confirme, le Rassemblement national (RN) pourrait bien prendre les rênes du pouvoir en France, envoyant Jordan Bardella à Matignon. Cette éventualité ouvrirait une nouvelle ère dans l’histoire contemporaine française, suscitant inquiétudes et interrogations parmi de nombreux citoyens. Quels seraient les contours d’une France gouvernée par le RN ? Nous avons recueilli les témoignages de divers citoyens pour tenter de répondre à cette question.
Avec l’arrivée potentielle du RN au pouvoir, les valeurs promues par ce parti, telles que le nationalisme, le protectionnisme et une attitude stricte en matière d’immigration, seraient au centre de la politique française. Cette orientation pourrait transformer profondément le paysage sociopolitique et économique du pays. Pour certains, cela représente l’opportunité d’un renouveau et la restauration d’une souveraineté nationale solide. Pour d’autres, cela évoque des craintes profondes quant aux risques de polarisation accrue, de division sociale et d’atteintes aux libertés individuelles.
Les jeunes, notamment, se sentent particulièrement concernés par cette possible transition. La génération montante, fortement influencée par des idéaux de multiculturalisme et d’inclusion, redoute une régression des droits acquis et une restriction des perspectives d’avenir. Quant aux aînés, la crainte d’une perte de cohésion sociale et d’une montée des discours de haine les préoccupe.
Eric Gouzannet, héraut de la diversité et des arts face à la montée du RN
Eric Gouzannet, directeur du cinéma L’Arvor à Rennes, incarne la résistance culturelle face à la montée du RN. Passionné par son métier, il se consacre à « transmettre des émotions et de la réflexion » à travers la diffusion de films en version originale. Pour lui, l’éventuelle arrivée du RN au pouvoir est une source de grande inquiétude.
Gouzannet est farouchement opposé aux valeurs prônées par le RN. Il prône le partage, l’écoute, la diversité et l’accueil des étrangers, des principes qu’il estime menacés par une politique nationaliste et autoritaire. Bien que la religion ne soit pas au cœur de ses préoccupations, il s’inquiète particulièrement de la montée de la haine envers les musulmans, une tendance renforcée par certains discours politiques actuels. Il craint que ces sentiments de rejet ne se traduisent par une recrudescence de la violence et des tensions sociales.
Pour Gouzannet, l’arrivée du RN ne représenterait pas seulement un tournant politique, mais un bouleversement des valeurs fondamentales de la société française. À ses yeux, une telle évolution signifierait un retour en arrière par rapport aux avancées en matière de droits civils et de diversité culturelle, rendant son engagement en faveur d’un cinéma ouvert sur le monde encore plus crucial.
L’impact d’un gouvernement RN sur les cinémas d’art et essai
Les cinémas d’art et essai seraient parmi les secteurs culturels les plus affectés par l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national. Ces lieux de diffusion, connus pour leur promotion de films indépendants, étrangers et souvent engagés, reposent largement sur des subventions publiques. Eric Gouzannet exprime ses craintes quant à la survie de ces salles si le RN devait gouverner.
L’une des principales préoccupations est la redirection des financements publics. Le RN affiche une préférence pour l’entretien et la restauration du patrimoine historique, souvent au détriment de la création contemporaine. Or, la création est essentielle pour nourrir la réflexion et la contestation sociale. Sans les aides publiques, la production et la diffusion de films d’auteur, qu’ils soient français ou étrangers, pourraient fortement diminuer.
Cette éventuelle diminution des financements remettrait en cause la diversité culturelle à laquelle ces cinémas contribuent. Les films qui interrogent, qui dérangent, et qui poussent à la réflexion risqueraient de disparaître, remplacés par des productions plus consensuelles et moins critiques. Cela pourrait non seulement appauvrir l’offre culturelle, mais aussi limiter la capacité des cinémas d’art et essai à jouer leur rôle de vecteur de débat social et d’éducation citoyenne.
La culture menacée : Quand le RN et la censure s’invitent dans les salles obscures
La montée du Rassemblement national pourrait également entraîner une montée de la censure dans les salles obscures. Eric Gouzannet redoute que de nombreux films soient simplement interdits de projection s’ils ne correspondent pas aux normes et aux valeurs imposées par un gouvernement RN. La liberté d’expression artistique, déjà fragile, pourrait subir des coups sévères.
Les cinémas d’art et essai jouent un rôle crucial en offrant un espace de réflexion et d’échange sur des sujets souvent sensibles ou controversés. Si le RN imposait des restrictions, cela pourrait réduire drastiquement la représentation des voix dissidentes et des perspectives alternatives. Les débats, autrefois animés par des projections de films provocateurs ou innovants, risqueraient de s’éteindre, limitant ainsi le dialogue et la compréhension mutuelle dans la société.
En outre, la censure pourrait s’étendre aux œuvres étrangères, rendant plus difficile l’accès à des films qui confrontent les spectateurs à des réalités et des cultures différentes. Cette fermeture sur soi pourrait accentuer les divisions et les préjugés, contrecarrant les efforts de nombreux acteurs culturels qui militent pour un monde plus ouvert et tolérant. Pour Eric Gouzannet et ses collègues, cela représenterait une atteinte directe à leur mission et à leurs valeurs.
L’Arvor : Un bastion de résistance culturelle
Face à ces menaces, le cinéma L’Arvor se positionne comme un véritable bastion de résistance culturelle. Eric Gouzannet, à la tête de cet établissement emblématique, ne ménage pas ses efforts pour maintenir une programmation riche et diversifiée. En 2023, L’Arvor a battu son record de fréquentation avec 265.000 entrées, prouvant la vitalité et l’importance de ce type de cinéma.
L’Arvor n’est pas seulement un lieu de projection, c’est aussi un espace d’échange et de débat. Gouzannet ouvre régulièrement ses portes à des associations comme Le planning familial ou Amnesty International pour organiser des projections-débats. Ces événements permettent de discuter de sujets variés et souvent sensibles, tout en favorisant le dialogue et l’écoute mutuelle.
Pour Eric Gouzannet, cette approche est essentielle pour contrer l’isolement et la violence verbale qui caractérisent de plus en plus les débats publics. En offrant un espace où les opinions peuvent être exprimées et confrontées de manière respectueuse, L’Arvor contribue à maintenir un tissu social ouvert et tolérant. Cependant, cette mission est de plus en plus difficile à accomplir avec l’ombre du RN planant sur la scène politique. Pourtant, malgré les incertitudes, Gouzannet reste déterminé à porter haut les valeurs de diversité et de dialogue.