Les géants chinois de la vente en ligne bouleversent le marché de la mode en France
Aucun commerçant n’ignore la force de frappe d’Amazon. Celle de Shein, et ses 7 000 nouveaux vêtements mis en ligne chaque jour, ou de Temu, autre géant chinois de la vente en ligne de produits à petits prix, les effraie tout autant. Ce trio gagne des parts de marché. Il pèse désormais 4 % des ventes de vêtements dans l’Hexagone et gonfle à plus de 20 % l’emprise de la Toile sur le commerce de vêtements, selon une étude publiée par l’Institut français de la mode (IFM), jeudi 15 février.
Contre l’« ultra fast fashion »
Ces chiffres pourraient apporter de l’eau au moulin à tous ceux qui souhaitent contrer l’« ultra fast fashion » en France. La fédération du prêt-à-porter féminin a notamment souvent pointé les travers sociaux de Shein et les dégâts environnementaux de son offre. Le député Antoine Vermorel-Marques (Loire, Les Républicains) a, lui, annoncé, lundi 12 février, déposer une proposition de loi pour « démoder la “fast fashion” avec un système de bonus-malus » et interdire la publicité de ses enseignes.
Le texte imposerait notamment une « pénalité de cinq euros par produit pour les producteurs qui introduisent plus de 1 000 nouveaux modèles par jour ».
Une stratégie qui séduit malgré tout
Grâce à ce modèle d’assortiment sans cesse renouvelé et des prix plancher, Shein et consorts séduisent ceux qui, en ces temps de pouvoir d’achat contraint par l’inflation, veulent acheter des vêtements neufs sans se ruiner. Cette stratégie leur permet d’échapper à la crise que traverse l’industrie de la mode depuis une dizaine d’années.
En 2023, compte tenu de l’inflation, les Français ont encore réduit leurs achats de chaussures (- 4,9 %), de linge de maison (- 4,2 %), de lingerie (- 3,8 %), de mode féminine (- 1,5 %) et de vêtements pour enfants (- 0,5 %). Au total, le marché a reculé de 4 % en volume et de 1,3 % en valeur. « Le secteur n’a toujours pas retrouvé le niveau d’activité de 2019 », souligne Gildas Minvielle, directeur de l’observatoire économique de l’IFM.
Impact sur différentes activités
Sur ce marché évalué à 26,7 milliards d’euros, nombreux sont les circuits à essuyer de cuisants revers : les hypermarchés, autrefois poids lourds de la vente de jeans et de sous-vêtements, ont perdu 7,7 % d’activité en 2023 et près de 24 % depuis 2019. Les boutiques de détaillants indépendants plongent de 3,7 % et de presque 19 % depuis 2019. Seules les chaînes dites de grande diffusion, type Kiabi ou Gémo, étudiées par l’IFM, ont vu leur chiffre d’affaires progresser de 2,3 % en 2023 et de 10,8 % sur quatre ans.
Les chaînes spécialisées dans la mode souffrent grandement des arbitrages budgétaires. Selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, 42 % des Français renoncent aux achats de vêtements, notamment pour sanctuariser leurs dépenses contraintes « de logement et d’abonnements à des loisirs numériques », note Xavier Romatet, directeur général de l’IFM.
Mots-clés:
Amazon, Shein, Temu, vente en ligne, mode, France, « ultra fast fashion », éco-responsabilité