Le gouvernement Barnier marque une évolution significative en matière de cumul des mandats, un sujet souvent polémique en France. Le 24 septembre 2024, plusieurs ministres, dont François Durovray, Fabrice Loher et Gil Avérous, ont confirmé leur intention de maintenir leurs fonctions locales tout en exerçant des responsabilités ministérielles. Cette décision soulève des questions sur la compatibilité de ces rôles, dans un contexte où des lois interdisent le cumul pour les parlementaires, mais où les ministres bénéficient d’une certaine flexibilité.
Le paysage politique français est souvent perçu comme rigide, notamment en ce qui concerne le cumul des mandats. Cependant, le gouvernement Barnier semble prendre un chemin différent en permettant à certains de ses ministres de continuer à exercer des fonctions locales. François Durovray, ministre des transports, a affirmé son intention de demeurer président du conseil départemental de l’Essonne. De même, Fabrice Loher, en tant que ministre chargé de la mer, continuera d’exercer son rôle de maire à Lorient, et Gil Avérous a annoncé qu’il maintiendrait sa fonction de maire à Châteauroux tout en étant ministre des sports. Cette situation questionne la ligne de conduite adoptée depuis plusieurs années en matière de cumul des mandats.
Un cadre juridique en évolution
Historiquement, la législation française a tenté de réguler le cumul des mandats pour éviter les conflits d’intérêts et favoriser une meilleure gestion des affaires publiques. En 2014, une loi avait clairement établi une interdiction stricte du cumul entre les fonctions de parlementaire et celles d’exécutif local. Néanmoins, cette restriction ne s’applique pas aux ministres qui, bien que soumis à des normes éthiques, disposent d’une certaine latitude pour cumuler leurs responsabilités. Lionel Jospin, ancien premier ministre, avait zwar instauré cette pratique de déontologie, mais sa mise en œuvre a toujours été sujette à interprétation. « Les doctrines sont faites pour ne pas être dogmatiquement appliquées, »
avouait-il.
De nombreux précédents
Il existe des exemples concrets de ministres ayant exercé plusieurs rôles à la fois. Entre 2015 et 2017, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, cumulait son rôle avec celui de président du conseil régional de Bretagne. Plus récemment, Gérald Darmanin avait maintenu son mandat de maire de Tourcoing après sa réélection en 2020. Ces précédentes exceptions, bien que rares, témoignent de la flexibilité de la règle, rendant la position actuelle du gouvernement Barnier d’autant plus marquante.
Des justifications avancées
Les ministres justifient leur décision de conserver leurs fonctions locales par un argument clé : les défis locaux nécessitent des élus ancrés sur le terrain. Pour François Durovray, ces élus offrent une meilleure compréhension des enjeux locaux et une capacité à faire remonter les attentes des citoyens. « J’entends effectivement rester président du département, tout simplement parce que nous avons également de grands défis dans les collectivités et qu’il est important qu’il y ait des élus qui connaissent le terrain, »
a-t-il déclaré sur TF1. De son côté, Nicolas Daragon, ministre chargé de la sécurité du quotidien et maire de Valence, insiste sur l’importance de son engagement vis-à-vis de ses concitoyens, arguant que « c’est mon ADN, je ne sais pas faire autrement qu’en étant élu de ma ville. »
Les retombées potentielles
Cette tendance à cumul des mandats pourrait avoir un impact significatif sur la politique locale et nationale. Elle ouvre la voie à un modèle plus flexible, mais également à des critiques sur la dilution des responsabilités. Si la présence de ministres en poste local renforce l’interconnexion entre le local et le national, elle peut également soulever des questions sur leur disponibilité. De plus, cela pourrait contrecarrer les efforts de renouvellement de la politique française, en donnant à certains élus un avantage concurrentiel sur d’autres candidats.
Les évolutions récentes du gouvernement Barnier mettent en lumière une dualité intéressante au sein de la politique française. Ces choix, dictés par des impératifs locaux, doivent cependant être équilibrés avec la nécessité d’une gouvernance claire et responsable. L’avenir nous dira si ce modèle sera pérenne ou s’il appellera à des ajustements législatifs pour favoriser une séparation plus stricte entre les responsabilités locales et nationales.
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