L’annonce récente de Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN), concernant l’institutionnalisation du vouvoiement obligatoire dans les établissements scolaires, a déclenché une vive polémique parmi les enseignants. Cette proposition, qui fait partie d’un plus vaste programme de réformes destiné à instaurer un « big bang de l’autorité » dans les écoles françaises, vise à renforcer la discipline et le respect mutuel. Toutefois, cette initiative est loin de faire l’unanimité. Les enseignants et syndicats expriment des réserves, allant du scepticisme à une opposition franche, estimant que cette mesure est déconnectée des réalités du terrain.
Jordan Bardella et le « big bang de l’autorité » dans les écoles
En annonçant son programme ce lundi, Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN), a promis un véritable « big bang de l’autorité » dans les établissements scolaires. Parmi les mesures annoncées, l’instauration d’uniformes pour les élèves et l’interdiction totale des téléphones ont fait couler beaucoup d’encre. Mais ce n’est pas tout; Bardella propose également d’imposer le vouvoiement obligatoire à l’école, une décision qui vise à renforcer l’autorité des enseignants et à instaurer un climat de respect mutuel.
Pour Jordan Bardella, ces initiatives sont cruciales pour rétablir la discipline dans les écoles françaises. Il estime que les smartphones perturbent l’attention et la concentration des élèves, tandis que les uniformes pourraient atténuer les inégalités sociales et réduire les incidents de violence. Pourtant, c’est surtout l’obligation du vouvoiement qui a suscité le plus de réactions. Bardella croit que cette mesure contribuera à élever le niveau de respect entre élèves et enseignants, quelque chose qu’il considère comme fondamental pour une éducation de qualité.
Dans cette perspective, Bardella semble résolument déterminé à transformer le paysage éducatif français, malgré les controverses et les déclarations sceptiques des enseignants et des syndicats. Son programme, ambitieux et audacieux, vise à restructurer en profondeur le climat scolaire, en imposant des normes strictes qui, selon lui, favoriseront un environnement plus discipliné et plus respectueux.
Réactions des professeurs : entre scepticisme et opposition
L’annonce de Jordan Bardella concernant le vouvoiement obligatoire à l’école a provoqué une levée de boucliers parmi les enseignants. Pour beaucoup, cette mesure apparaît comme une idée déconnectée des réalités du terrain. Plusieurs professeurs, interrogés à ce sujet, ont exprimé leur scepticisme et leur opposition.
« C’est une vaste blague », soupire l’un d’eux, tandis que d’autres estiment que cette mesure peut sembler populaire mais n’apportera rien de nouveau en termes de respect et d’autorité. Certains vont jusqu’à dire que Bardella a dû avoir cette idée dans un bar, loin des réalités quotidiennes des établissements scolaires. Ils considèrent que le vouvoiement ne peut en aucun cas être un remède miracle pour instaurer le respect. « Il y a des professeurs autoritaires qui ne se font pas respecter par les élèves et l’inverse fonctionne également », souligne Elise*, une jeune professeure de collège dans le Val-d’Oise.
Pour les enseignants, le problème de respect dans les écoles est bien plus complexe et ne peut être résolu par de simples changements de langage. Ils soulignent l’importance de l’autorité naturelle et du cadre imposé dès les premiers jours de classe. Selon eux, l’efficacité de ce genre de mesures dépend fortement de l’individualité de chaque enseignant et de son approche pédagogique.
Le vouvoiement au collège : une mesure superflue ?
Dans les collèges, le vouvoiement est déjà une pratique courante. Cependant, beaucoup voient la mesure proposée par Bardella comme superflue et inadaptée. « Le RN semble oublier que les élèves restent des enfants. Établir un vouvoiement pour faire gage d’autorité n’est pas le bon fonctionnement », précise Elise*, une professeure de collège.
Pour certains enseignants comme Elise, cette obligation de vouvoiement n’apporte rien de plus que ce qui est déjà instauré par les règles internes des établissements. En effet, beaucoup d’enseignants adoptent déjà une attitude de respect mutuel, que ce soit par le vouvoiement ou par le tutoiement. Les professeurs respectent souvent la préférence des élèves et ajustent leur approche en conséquence. Certains élèves peuvent même se sentir démotivés ou déroutés par un vouvoiement forcé.
Anna*, une autre professeure principale dans le Val-d’Oise, partage cet avis. « Le vouvoiement est déjà en place à cet âge-là pour éviter que les collégiens ne prennent des libertés inappropriées ». Pour elle, cette mesure n’aura pas l’effet escompté et ne fera que compliquer davantage la relation enseignant-élève, créant une distance artificielle qui peut nuire à l’apprentissage et à l’interaction en classe.
Vouvoiement en primaire : une absurdité pédagogique
Chez les enseignants du primaire, l’annonce de Jordan Bardella a suscité un véritable tollé. Beaucoup d’entre eux estiment que demander aux jeunes élèves de vouvoyer leurs enseignants est une absurdité pédagogique. « Ça n’a pas de sens de demander le vouvoiement dans les primaires. Ça met une distance qu’on ne souhaite pas avoir avec les élèves qui, pour certains, ne fonctionnent que sur le domaine affectif », explique Jean-François*, professeur en primaire à Béziers.
Pour des enfants de cet âge, le vouvoiement serait une barrière inutile qui compliquerait la relation déjà fragile entre l’enseignant et l’élève. Les jeunes enfants ont besoin de se sentir en sécurité et proches de leurs enseignants pour favoriser un apprentissage efficace. Dans un environnement où vous êtes souvent le seul adulte de référence, instaurer le vouvoiement pourrait nuire à cette proximité essentielle.
La mesure proposée par Bardella est également perçue comme déconnectée des réalités pédagogiques. Les professeurs soulignent les difficultés croissantes telles que les classes surchargées et le manque de moyens, qui sont des problématiques beaucoup plus pressantes. « Nous avons des classes qui sont de plus en plus surchargées et de fait, des élèves qui prennent de moins en moins la parole », ajoute Jean-François.
La maternelle et le vouvoiement : une incompatibilité totale
Imposer le vouvoiement en maternelle est, pour beaucoup d’enseignants, une véritable aberration. « Un enfant de trois à cinq ans ne peut pas vouvoyer un adulte », tranche Sébastien*, professeur en maternelle dans la Haute-Loire. À cet âge, les enfants ont besoin de repères clairs et d’une relation de proximité avec les adultes qui les encadrent.
Pour Sébastien, le vouvoiement pourrait nuire aux valeurs de tolérance et d’égalité que l’école maternelle cherche à inculquer. Carla*, également professeure en maternelle, partage cet avis : « On est avec eux toute la journée et on est encore un peu dans le maternage. Le vouvoiement serait une trop forte mise à distance ». En effet, les jeunes enfants n’ont souvent pas encore acquis les compétences linguistiques nécessaires pour employer le vouvoiement de manière appropriée et naturelle.
Les enseignants de maternelle craignent également que cette mesure n’introduise une distanciation excessive qui pourrait nuire au développement affectif des enfants. Certains, comme Sébastien, sont prêts à faire de la résistance face à ce qu’ils considèrent comme des « pratiques archaïques ». Ils sont convaincus que le cadre familial et éducatif doit être cohérent et bienveillant, ce qui passe par des interactions plus naturelles et moins formelles.
Uniformes et téléphones interdits : des mesures controversées
L’autre volet du programme de Jordan Bardella concerne l’introduction des uniformes et l’interdiction totale des téléphones dans les écoles. Ces mesures, bien que controversées, sont perçues par certains comme des solutions possibles pour améliorer l’environnement scolaire.
Les uniformes sont vus par les partisans comme un moyen de réduire les inégalités sociales et les incidents de violence liés au vestimentaire. Ils estiment que les uniformes peuvent aider à créer un sentiment d’appartenance et de cohésion parmi les élèves. Cela pourrait également simplifier le quotidien des parents et des élèves en éliminant les dilemmes vestimentaires.
Cependant, l’interdiction totale des téléphones portables est une autre mesure qui suscite des opinions diverses. Certains voient cette interdiction comme un moyen efficace de promouvoir la concentration et de réduire les distractions en classe. D’autres, en revanche, s’inquiètent des conséquences potentielles sur la sécurité et la communication, notamment en cas d’urgence.
Ces propositions, bien que visant à instaurer un climat plus discipliné dans les écoles, rencontrent une forte résistance de la part des enseignants et des syndicats. Ils soulignent que ces mesures ne s’attaquent pas aux problèmes structurels plus profonds du système éducatif, tels que le manque de ressources et le surpeuplement des classes. Pour eux, les solutions durables nécessitent une approche plus nuancée et centrée sur les besoins réels des élèves et des enseignants.