Des danseurs recréent les célèbres scènes de danse des zombies du clip « Thriller », lors d’une flashmob de danse d’Halloween, à Londres (Royaume-Uni), le 31 octobre 2021. ALAMY STOCK PHOTO
Histoire d’une notion
En ce siècle confronté à des défis mondialisés et à des menaces potentiellement apocalyptiques, la référence aux zombies est omniprésente. Selon le sociologue Maxime Coulombe dans sa Petite philosophie du zombie, cette figure est devenue emblématique de notre époque. Les zombies se retrouvent partout, que ce soit au cinéma, à la télévision, dans nos rues ou chez notre libraire. Leur démarche caractéristique et ridicule cache une symbolique profonde qui reflète nos préoccupations économiques, psychiques, technologiques et même religieuses.
En parlant d’économie, les entreprises en difficulté chronique sont souvent qualifiées de « zombies ». Cela met en évidence le fait qu’elles survivent difficilement, comme des morts-vivants, sans jamais vraiment guérir. Du côté psychologique, les individus qui sont aliénés par leur travail ou accros à leur smartphone sont également comparés à des zombies. Cette analogie met en lumière la déshumanisation et l’automatisation croissante de nos vies modernes.
Sur le plan technologique, le concept de « technologie zombie » est utilisé pour désigner une technologie obsolète et nuisible. Cela fait référence aux dispositifs ou aux logiciels qui persistent malgré leur inutilité ou leur dangerosité, tels que les logiciels malveillants ou les machines anciennes qui continuent de fonctionner sans être mises à jour.
La dimension religieuse est également présente dans la symbolique du zombie. L’anthropologue Emmanuel Todd théorise le concept de « catholicisme zombie », qui décrit un catholicisme de moins en moins pratiqué mais qui conserve néanmoins une influence sur la société. Cela renvoie à l’idée que certaines institutions religieuses peuvent perdre de leur vitalité mais continuer à exercer une certaine emprise sur les individus et les mentalités.
Le terme « zombie » est également utilisé dans des contextes moins conventionnels, comme dans l’amour. Selon un article de Cosmopolitan, être « zombifié(e) » en amour signifie être quitté(e) puis recontacté(e) par son ex comme si de rien n’était. Cette situation est décrite comme « traumatisante » et fait partie d’une « tendance actuelle ». Cela témoigne de l’évolution du langage et de l’utilisation d’une métaphore issue de la culture populaire pour décrire des situations émotionnelles complexes.
Avant de devenir cet être effrayant et terrifiant, le zombie puise ses origines en Afrique. Une des références africaines les plus connues est le « ngzombi », une notion qui représente un individu ensorcelé dans les cultures issues du Dahomey. À partir du XVIe siècle, les déportations d’esclaves ont introduit le vaudou haïtien, un mélange de traditions africaines, chrétiennes et précolombiennes, dans les Caraïbes. C’est dans ce contexte que le zombie s’est développé.
En Haïti, le terme « zombie » a trois significations différentes. La première est associée aux enfants morts sans baptême, dont l’âme est captée pour porter chance à ceux qui l’utilisent. La deuxième fait référence à un esprit fantomatique qui se détache du cadavre et erre sans but. Enfin, la troisième et la plus couramment acceptée de nos jours est celle de l’individu empoisonné, mis dans un état cataleptique, enterré vivant puis exhumé quelques jours plus tard. Selon l’anthropologue et médecin légiste Philippe Charlier, cette pratique est liée à la manipulation d’un « bokor », un sorcier pratiquant la magie noire. Une fois zombifié, cet individu perd presque toute humanité et se transforme en esclave obéissant errant sans but dans les rues ou les marchés.
Cette notion de zombification est théoriquement basée sur une logique de justice et intervient après une faute grave, telle que l’exploitation de terres, un meurtre ou un viol. Le zombie représente donc une punition, un état de déshumanisation ultime.
En conclusion, la figure du zombie est omniprésente dans notre société contemporaine. Elle renvoie à nos peurs, à nos préoccupations économiques, psychiques, technologiques et religieuses. Les zombies sont devenus un symbole de notre époque, reflétant les inquiétudes et les interrogations auxquelles nous sommes confrontés. Que ce soit dans les médias, la littérature, la culture populaire ou même dans notre langage quotidien, les zombies continuent de captiver notre imaginaire collectif.
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