Le chaos récurrent du Pérou et la destitution de Pedro Castillo
En cinq ans, Dina Boluarte est la sixième personne à occuper la présidence de la République péruvienne. Avocate sans expérience politique, elle a pris le pouvoir légalement après la destitution et l’arrestation, le 7 décembre, du chef de l’Etat, le socialiste Pedro Castillo. Celui-ci, élu de justesse en juillet 2021, est accusé d’avoir tenté de renverser le Parlement qui s’apprêtait à le chasser du pouvoir. Les dix-sept mois de sa présidence ont été marqués par l’incompétence et l’instabilité. Mais, instituteur d’origine modeste, il incarnait un espoir pour les populations paysannes et indigènes des Andes déshéritées et marginalisées, qui espéraient enfin être entendues par les puissantes élites de Lima.
La destitution de M. Castillo a déclenché la colère. Les manifestations de protestation et les blocages de routes se multiplient, malgré une répression brutale. Depuis le début des événements, au moins 48 personnes sont mortes et des centaines ont été blessées. La présidente par intérim, ancienne alliée de M. Castillo, est devenue la cible des manifestants, qui réclament sa démission. Mme Boluarte assure avoir interdit l’usage des armes létales, mais sa position au pouvoir est remise en question.
Alors que le Bureau des droits de l’homme de l’ONU exprime sa « très grande préoccupation » et que la procureure d’Etat du Pérou ouvre une enquête pour « génocide », il est temps de trouver une solution à la crise, dans un pays déjà terriblement éprouvé par le Covid – la mortalité y est la plus élevée du monde par habitant. De nouvelles élections doivent avoir lieu sans attendre avril 2024.
La crise de la démocratie péruvienne, qui s’inscrit dans le contexte régional de la tentative de déstabilisation visant le président brésilien Lula, a des racines profondes. Le pays n’a jamais connu la stabilité depuis le retour de la démocratie en 2000, après la fuite de l’autocrate Alberto Fujimori. Keiko Fujimori entretient le courant d’extrême droite populiste, néolibéral et autoritaire qu’incarnait son père. Quant à la Constitution de 1993, elle permet aux élus du Congrès de destituer le président sans justification sérieuse.
Ainsi, aucune solution durable ne peut être trouvée sans de profondes réformes institutionnelles. Les partis politiques sont des conglomérats d’intérêts particuliers, contrôlés par des affairistes qui les placent à leur service exclusif. La médiocrité, l’amateurisme et la corruption dominent les milieux politiques. Pour sortir de ce marasme permanent, le Pérou a besoin de changements de son mode de gouvernance. Il faut représenter et prendre en compte toutes les catégories de la société pour affronter les immenses défis sociaux, économiques, agraires et environnementaux auxquels il fait face.
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