dimanche 8 septembre 2024
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Un détournement de l’usine Lafarge pour libérer un pilote capturé par l’EI : le récit incroyable d’un homme en mission secrète chez les djihadistes

La mission d’un ancien employé français de Lafarge, Ahmad Jaloudi, est au cœur d’une enquête ouverte à Paris pour «mise en danger de la vie d’autrui» et «financement du terrorisme» dans l’affaire de la libération du pilote jordanien Maaz Al-Kassasbeh, capturé par l’organisation Etat islamique (EI) en 2014. Le GID, le service de renseignement jordanien, engage M. Jaloudi pour mener une médiation en vue de la libération du pilote. Pour ce faire, il doit entrer en contact avec les djihadistes, et notamment avec Seif Al-Dawla, gouverneur de Rakka et chef adjoint du service de renseignement de l’EI. Cependant, sa mission implique également de trouver une solution à la situation de l’usine Lafarge de Jalabiya, contrôlée par les djihadistes et dont la filiale syrienne de Lafarge craint la destruction. Ahmad Jaloudi est donc en contact avec Lafarge pour rendre compte de sa mission, mais aussi avec la DGSE, qui aurait été informée de son séjour à la base américaine d’Incirlik, en Turquie, où il aurait été briefé.

Après avoir été escorté jusqu’à Tall Abyad par des Turcs, Ahmad Jaloudi parvient à entrer en contact avec les djihadistes grâce à un distributeur local, qui leur fait croire qu’il veut discuter de l’usine. Il est alors livré à lui-même et escorté jusqu’à une «maison de sécurité» dans laquelle il est fouillé et doit changer de vêtements. Après une nuit, il est emmené sur une autre installation pour de nouvelles vérifications de sécurité et une autre nuit. Il est ensuite conduit jusqu’à Rakka, où il rencontre Seif Al-Dawla et lui explique qu’il n’est pas possible de relancer l’usine. En effet, les ouvriers ne veulent pas y retourner et l’usine sera finalement pillée et démantelée.

Si les détails de l’affaire restent encore flous, cette affaire illustre les relations ambiguës entre acteurs économiques et groupes terroristes. Lafarge est soupçonné d’avoir payé des groupes armés en Syrie pour éviter que ses employés ne soient pris en otage et que ses activités ne soient protégées, avant de fusionner avec le suisse Holcim en 2015. Cette enquête permet également de révéler l’implication de certains acteurs économiques dans les zones de conflit, où les risques sont élevés. Enfin, elle pose des questions quant à la réaction des services de renseignement face à cette situation, qui implique un contact direct avec des groupes terroristes.

Mots-clés: Jordanie, EI, Ahmad Jaloudi, Lafarge.