Sous l’enseigne brillante « Destinée Heureuse », une cabine isolée par un épais rideau de velours violet offre un refuge tranquille loin du tumulte environnant. À l’intérieur, Louise pratique la divination pour Max, un homme dans la trentaine avec des cheveux châtains et un pardessus kaki, accompagné de son amie Romane (dont les prénoms ont été modifiés). « Il y a une notion de lutte, quelque chose de néfaste dont vous devez vous débarrasser, car il vous entrave, vous tient prisonnier », explique Louise en disposant sur la table une carte de tarot représentant un serpent enroulé autour d’une épée. Concentré, Max hoche la tête en signe de compréhension. Depuis 2021, Louise Térive – un pseudonyme – accueille les visiteurs le jeudi et le vendredi soir au Ground Control, une ancienne halle de la SNCF transformée en un lieu branché du 12e arrondissement de Paris, où les jeunes viennent dîner, boire un verre, jouer au tennis de table, feuilleter des livres et vinyles, fouiller parmi les friperies, mais aussi consulter les tarots et lire leur thème astral.
Dans l’assistance, point de rêveurs naïfs ni de marginaux excentriques, mais plutôt des étudiants et des jeunes professionnels travaillant dans la capitale. « C’est la majorité des personnes qui viennent me voir ici, » confirme la cartomancienne et astrologue de 39 ans, aux longs cheveux bouclés. Il est vrai que ces consultations ont un coût: 25 euros pour une lecture rapide ou un tirage de cartes de quinze minutes, et 80 euros pour une séance complète de cartomancie d’une heure. Un tarif que certains amateurs sont prêts à payer. En constante hausse depuis l’épidémie de Covid-19, l’engouement pour l’astrologie, la cartomancie et la tarologie ne se dément pas. Selon une enquête IFOP menée en 2022 auprès de 2 000 jeunes, 61 % des 11-24 ans croient en au moins une discipline para-scientifique (astrologie, cartomancie, chiromancie…).
Plus précisément, 50 % croient en l’explication des personnalités par les signes astrologiques, 38 % en les prédictions des médiums, 33 % en la chiromancie et 27 % en la cartomancie. Et cet intérêt pour ces pratiques, basé sur la croyance et dépourvu de fondement scientifique, se retrouve dans tous les milieux. Pour Louise Térive, ce déclic s’est produit juste avant ses 18 ans lorsqu’elle a découvert le thème astral réalisé à sa naissance par sa mère. Un simple cadeau de naissance dans cette famille peu portée sur les pratiques religieuses, mais le document en forme d’accordéon, rempli de planètes, de signes, de maisons et d’aspects, a été une révélation pour la jeune fille. « J’y ai trouvé des informations précises, justes et éclairantes sur moi. J’ai reconnu mes contradictions internes entre une dimension imaginative et un aspect très rationnel que j’ai souvent eu du mal à concilier. Le voir écrit noir sur blanc m’a procuré un grand soulagement, » raconte la jeune femme.