Le label MSC, symbole emblématique de la pêche durable, est aujourd’hui au cœur d’un débat aussi passionnant que complexe. Présent sur de nombreuses étiquettes de produits de la mer, ce label international promet des pratiques respectueuses de la biodiversité marine tout en garantissant la pérennité des ressources halieutiques. Mais que signifie-t-il réellement, et dans quelle mesure ses promesses sont-elles tenues ? Alors que les consommateurs cherchent à faire des choix éclairés, ce label suscite autant d’adhésion que de controverses. Dans cet article, nous vous proposons de décrypter les enjeux, les critiques et les alternatives autour de ce repère incontournable.
Le label MSC : un incontournable controversé
Le label MSC, ou Marine Stewardship Council, s’est imposé comme un repère pour les consommateurs à la recherche de produits issus de la pêche durable. Reconnaissable grâce à son logo bleu et blanc, il est omniprésent sur les rayons des supermarchés, des boîtes de thon aux poissons panés en passant par le surimi. Pourtant, ce label, qui se veut garant de pratiques respectueuses de la biodiversité marine, est loin de faire l’unanimité.
Certes, le MSC met en avant plusieurs dizaines de critères qu’il qualifie de « scientifiques », comme le maintien des stocks de poissons au-dessus du seuil de renouvellement ou l’interdiction de cibler des espèces protégées telles que les mammifères marins, les reptiles ou les oiseaux. Ces mesures semblent à première vue prometteuses. Cependant, de nombreuses ONG et experts dénoncent des pratiques de pêche certifiées par le label qui sont jugées destructrices pour les écosystèmes marins.
En 2023, l’organisation Bloom, spécialisée dans la défense des océans, affirmait que 83 % des pêcheries certifiées MSC utilisent des techniques jugées néfastes, telles que le chalutage en eau profonde ou les dispositifs de concentration de poissons (DCP). Ces critiques mettent en lumière une contradiction entre les promesses affichées par le label et ses pratiques, soulevant des interrogations sur la véritable durabilité de ces produits.
WWF et Unilever : les architectes du label MSC
Le label MSC trouve son origine en 1997 grâce à une initiative conjointe de l’ONG WWF et du géant industriel Unilever. À l’époque, ces deux acteurs souhaitaient répondre aux préoccupations croissantes liées à la surpêche et à ses impacts sur les écosystèmes marins. Depuis sa création, le label a gagné en notoriété et est devenu le plus répandu dans le domaine de la pêche durable, avec plus de 2 300 références certifiées en France.
Le label se base sur un ensemble de critères précis visant à garantir une gestion responsable des ressources halieutiques. Il affirme promouvoir des pratiques qui minimisent l’impact environnemental tout en s’assurant que les stocks de poissons restent viables à long terme. Ces objectifs, bien que louables, sont régulièrement critiqués pour leur mise en œuvre.
WWF et Unilever ont positionné le MSC comme un standard mondial pour la pêche durable, mais cette ambition s’accompagne de compromis. En effet, la certification repose sur des audits indépendants et le respect du code de conduite de la FAO, qui prône une approche non discriminatoire vis-à-vis des techniques de pêche. Cela laisse une certaine latitude aux industriels, ce qui alimente les controverses autour de l’efficacité réelle du label.
MSC : entre promesses et pratiques dénoncées
Si le label MSC revendique des engagements forts en faveur de la pêche durable, ses pratiques concrètes sont loin de faire l’unanimité. Les critiques se concentrent sur sa permissivité face à certaines méthodes de pêche jugées destructrices, comme le chalutage en eau profonde, le dragage hydraulique ou encore les dispositifs de concentration de poissons (DCP). Ces techniques, bien que certifiées, sont accusées de nuire gravement aux écosystèmes marins.
Frédéric Le Manach, directeur scientifique de l’ONG Bloom, dénonce un label « conçu par et pour l’industrie », permettant d’afficher une image de durabilité tout en validant des pratiques controversées. Cette permissivité est en partie due à l’approche non restrictive du MSC, qui n’interdit aucun engin de pêche, à l’exception du poison et des explosifs.
Face aux critiques, la directrice du programme MSC France, Amélie Navarre, défend une vision basée sur la gestion et la régulation des techniques de pêche, plutôt que sur leur interdiction. Cependant, ces justifications peinent à convaincre les détracteurs, qui voient dans le MSC un symbole des limites des certifications environnementales dans le secteur de la pêche.
Petits pêcheurs : les oubliés du label MSC
Alors que le label MSC s’impose comme une référence mondiale, il laisse sur le banc de touche une grande partie des petits pêcheurs. Pour obtenir la certification, une pêcherie doit passer par un audit indépendant et obtenir un score minimum de 80 sur 100. Ce processus est non seulement coûteux, mais également complexe, ce qui constitue un obstacle majeur pour les pêcheurs artisanaux.
Didier Gascuel, professeur en écologie marine à l’Institut Agro de Rennes, souligne que ce sont souvent les petites pêches qui sont les plus durables. Pourtant, ces acteurs se retrouvent exclus de la démarche MSC, au profit des grandes pêcheries industrielles mieux équipées pour répondre aux exigences du label. Cette situation crée un paradoxe où les produits non certifiés peuvent parfois être plus respectueux de l’environnement que ceux arborant le label.
En dépit de ces critiques, le MSC reste une première garantie pour les consommateurs. Mais son incapacité à intégrer les pêcheurs artisanaux dans son modèle soulève des questions sur son rôle dans la promotion d’une pêche véritablement durable, équitable et accessible à tous.
Alternatives au MSC pour une pêche plus responsable
Face aux limites du label MSC, des alternatives émergent pour répondre aux attentes des consommateurs en matière de pêche durable. Parmi celles-ci figure l’écolabel public Pêche durable, lancé en 2014 par FranceAgriMer. Avec ses 36 critères portant sur l’écosystème, l’environnement, le social et la qualité, cet écolabel offre une approche plus complète. Cependant, il ne couvre que huit pêcheries en France, ce qui limite son impact.
D’autres labels, souvent locaux et géographiques, gagnent en popularité. Par exemple, le label « Bar de ligne de la Pointe de Bretagne » impose des critères stricts, comme la pêche à la ligne dans une zone précise. Ces certifications simples et facilement vérifiables séduisent par leur transparence, mais restent marginales face à l’ampleur du MSC.
Pour aller plus loin, certains experts plaident pour des approches complémentaires, telles que des systèmes d’étiquetage environnemental pour évaluer la durabilité des produits de la pêche. Des scientifiques, dans la revue Nature, recommandent de réduire les volumes de pêche, de limiter la taille des bateaux, et d’interdire l’accès aux zones les plus vulnérables. Ces mesures, bien qu’ambitieuses, pourraient constituer une avancée significative vers une pêche réellement durable.