jeudi 21 novembre 2024
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Enquête sur le harcèlement moral à l’Agence spatiale européenne

Une décision de justice avec des enjeux importants en Europe

Parce qu’un homme et une femme veulent savoir pourquoi leur fils s’est suicidé et que cette simple demande leur est déniée, le droit européen peut-il s’en trouver modifié ? C’est l’enjeu d’une décision de la cour d’appel de Paris, rendue le 16 janvier. En une prose forcément ardue, son jugement met un coin dans un principe fondamental qui régit les multiples agences européennes créées à travers toute l’Union européenne : leur immunité juridique vis-à-vis du pays qui les héberge.

Lutte pour la justice

Douze ans que Denise et Daniel Kieffer se battent pour que soient jugés ceux qui, estime le couple, ont poussé leur fils Philippe à se donner la mort chez lui, à Leyde, aux Pays-Bas, le 20 décembre 2011, à l’âge de 38 ans. Alpiniste averti, musicien accompli, polyglotte émérite, Philippe Kieffer était ingénieur à la prestigieuse Agence spatiale européenne (ESA). Un surdoué, en somme.

Situation insupportable

Le Français travaillait depuis 2003 dans un centre technique de l’ESA basé aux Pays-Bas. Mais, à partir de 2009, il commence à évoquer auprès de ses parents le harcèlement systématique dont il est l’objet de la part de certains de ses supérieurs. Ses évaluations le décrivent bientôt comme « asocial » ou « autistique ». Les humiliations sont publiques. « Je ne veux plus te voir ! » , lui hurle un chef en réunion. Jusqu’à l’irréparable : « Voilà trois ans que je souffre le martyre sur mon lieu de travail. Il fallait y mettre un terme » , écrit-il dans une lettre d’adieu à ses parents, retrouvée sur les lieux du drame.

Un rapport accablant

Un rapport d’audit interne de l’ESA n’avait guère laissé de doute sur les raisons de son geste. Il avait conclu que « le suicide de Philippe Kieffer a pour cause des problèmes de travail ». Son geste est « dû à une chaîne d’omissions non intentionnelles mais fatidiques à de nombreux échelons » , ajoutait l’audit. Le versement d’une somme de 189 722,40 euros aux parents avait même été décidé par l’agence en dédommagement. L’ESA refusait cependant d’admettre l’idée d’un harcèlement moral et la mise en cause des protagonistes.

Immunité remise en cause

La famille avait alors saisi au pénal la justice française – pays où est installé le siège de l’ESA. Mais deux juges d’instruction s’étaient successivement heurtées à l’immunité juridique dont bénéfice l’organisme européen depuis sa création en 1975. Cette immunité est consacrée par une convention signée à l’époque entre l’agence et la France. Ce même principe régit le fonctionnement de toutes les agences européennes, dans quelque pays de l’Union où elles sont installées. L’idée est d’échapper à la cacophonie (et à la mise en concurrence) des droits sociaux locaux. Seules des voies de recours internes sont possibles en cas de contestation d’une décision ou sanction. Pour le reste, l’Etat hôte peut saisir la justice mais dans des conditions limitées et uniquement devant un tribunal d’arbitrage international.

Des experts pour une enquête approfondie

Une des décisions de la cour d’appel de Paris exige une enquête plus approfondie, ce qui pourrait remettre en cause les structures de l’Agence spatiale européenne. Suite à cette décision, il est possible que d’autres familles concernées par des politiques similaire saisissent la justice, ce qui pourra modifier sérieusement la situation juridique des agences européennes.

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