En pleine éclosion d’une nouvelle souche de mpox, les spéculations sur le médicament Tranilast se multiplient. Présenté par certains comme un remède révolutionnaire, ce traitement fait l’objet d’un débat animé sur les réseaux sociaux. Alimentées par des personnalités influentes et par de multiples publications, ces affirmations méritent un examen rigoureux. Cet article explore ce que l’on sait vraiment de l’efficacité potentielle du Tranilast contre le mpox, en passant en revue les études scientifiques, les expertises médicales, et les défis inhérents à la validation clinique de ce médicament japonais prometteur mais controversé.
Remède miracle et désinformation autour du Tranilast
Alors que la propagation d’une nouvelle souche du mpox suscite de vives inquiétudes, le Tranilast est présenté par certains comme un remède miracle sur les réseaux sociaux. Cette vague de désinformation est en grande partie alimentée par des personnalités publiques et des internautes influents. Par exemple, Nicolas Dupon-Aignant a récemment affirmé sur X (Twitter) que le Tranilast, un médicament japonais, serait efficace contre la variole du singe, mais qu’il est délibérément ignoré en raison de son faible coût.
De nombreuses publications relayant ce message se basent sur une vidéo du professeur Didier Raoult, datant de juin 2022. Dans cette vidéo, Raoult évoque une étude chinoise ayant testé 467 molécules, où le Tranilast aurait montré une certaine efficacité contre les pox virus. Cette vidéo a gagné en popularité, accumulant plusieurs centaines de milliers de vues, et alimente les rumeurs selon lesquelles le médicament serait intentionnellement dissimulé par les autorités de santé.
Cependant, cette présentation du Tranilast comme un remède miracle est trompeuse. La propagation rapide de telles informations non vérifiées peut avoir des conséquences graves, notamment en détournant l’attention des traitements validés scientifiquement et en alimentant la méfiance envers les autorités de santé publique.
Étude chinoise de 2019 sur le Tranilast
En 2019, des scientifiques chinois ont publié une étude dans le Journal of Medical Virology intitulée « Sélection et évaluation d’inhibiteurs potentiels contre le virus de la vaccine à partir de 767 médicaments approuvés ». Le Tranilast, un médicament antiallergique, y a été testé. Les résultats initialement prometteurs de cette étude ont contribué à la popularité actuelle du Tranilast en tant que traitement potentiel contre le mpox.
Cependant, il est crucial de noter que cette étude a été réalisée uniquement in vitro et sur des souris. Comme l’explique Anne Goffard, médecin au CHU de Lille et professeure de virologie, « La vaccine, la variole, mpox, sont des virus de la même famille, et le virus de la vaccine était utilisé pour la vaccination contre la variole ». Le choix de ce virus pour les essais a facilité les tests en laboratoire, mais les résultats obtenus in vitro et sur les souris ne peuvent pas être directement appliqués aux humains.
Même si le Tranilast a montré une efficacité initiale contre le virus de la vaccine, cela ne signifie pas nécessairement qu’il serait efficace contre le mpox chez l’humain. Les différences biologiques et les diverses réponses immunitaires entre les espèces obligent à la plus grande prudence avant de tirer des conclusions hâtives.
Position des experts sur l’efficacité du Tranilast
Les experts en santé et virologie sont unanimes concernant la prudence à adopter face aux affirmations relatives à l’efficacité du Tranilast contre le mpox. Anne Goffard souligne que « les scientifiques ont cherché une molécule qui agirait contre les pox virus, dont le mpox, et ont essayé de faire du repositionnement thérapeutique ». Cependant, les essais réalisés étaient limités à des environnements contrôlés et à des modèles animaux.
Les professionnels de santé avertissent que l’absence de données cliniques humaines représente un obstacle majeur à la validation de l’efficacité du Tranilast contre le mpox. Sans ces essais, il est impossible de déterminer la sécurité, l’efficacité, et les effets secondaires potentiels du médicament chez l’humain.
Par ailleurs, les experts rappellent que des médicaments ayant montré des résultats prometteurs in vitro ou sur des animaux peuvent échouer lors des essais cliniques humains en raison de multiples facteurs complexes. Il est donc essentiel de ne pas succomber à l’enthousiasme prématuré et de s’appuyer sur des données cliniques robustes pour toute approbation thérapeutique.
Absence d’essais cliniques humains
À ce jour, aucun essai clinique sur des humains n’a été réalisé pour tester l’efficacité du Tranilast contre le mpox. Des recherches dans le registre des essais cliniques de l’UE ainsi que dans la base de données américaine des essais cliniques n’ont fourni aucun résultat concluant. Cette absence de données cliniques est un indicateur fort que le Tranilast n’a pas encore atteint le stade nécessaire pour être considéré comme un traitement viable contre le mpox.
Les essais précliniques sont une étape cruciale avant toute autorisation de mise sur le marché d’un médicament. Sans ces essais, il est impossible de vérifier les effets du Tranilast chez l’humain. Les essais sur les souris ou in vitro ne suffisent pas à garantir l’efficacité thérapeutique chez l’homme, car les réactions peuvent différer considérablement entre les espèces.
Ainsi, l’affirmation selon laquelle le Tranilast est un remède efficace contre le mpox demeure hautement spéculative et non fondée sur des preuves cliniques solides. La prudence est donc de mise avant d’adopter ou de recommander ce traitement.
Défis et obstacles aux essais cliniques
Plusieurs défis et obstacles expliquent pourquoi les essais cliniques n’ont pas encore été réalisés pour le Tranilast. Tout d’abord, le manque d’intérêt de la part des sociétés pharmaceutiques pourrait jouer un rôle significatif. Le Tranilast, étant déjà un médicament antiallergique disponible depuis des années, n’offre pas un potentiel commercial attractif, surtout s’il est peu coûteux.
Ensuite, il est possible que des essais précliniques sur des animaux n’aient pas donné de résultats probants, ce qui aurait conduit à l’abandon des recherches avant d’atteindre le stade des essais cliniques humains. Les ressources nécessaires pour ces essais sont considérables, et les investisseurs, tout comme les institutions, doivent être convaincus de la faisabilité et du potentiel succès avant d’engager de tels projets.
Le processus de mise en place d’un essai clinique est également long et complexe, nécessitant des approbations éthiques rigoureuses et une infrastructure robuste. Tous ces aspects combinés rendent difficile la transition du laboratoire à l’expérimentation humaine pour de nombreux composés prometteurs, y compris le Tranilast.
Vigilance face aux informations non vérifiées
Dans un contexte de pandémie ou d’épidémie, il est crucial de faire preuve de vigilance face aux informations non vérifiées. La désinformation peut se propager rapidement et avoir des conséquences graves, notamment en détournant la population de traitements validés et en semant la confusion. Les rumeurs autour du Tranilast en sont un parfait exemple.
Les autorités de santé publique et les experts recommandent de ne s’appuyer que sur des sources fiables et validées pour obtenir des informations sur les traitements médicaux. Les réseaux sociaux, bien qu’utiles pour la diffusion rapide de l’information, peuvent aussi devenir des vecteurs de désinformation.
Les plateformes comme Facebook, Twitter, et YouTube doivent également jouer un rôle actif dans la vérification des contenus et la suppression des informations trompeuses. L’éducation et la formation continue du public sur la manière de discerner les faits des rumeurs sont essentielles pour lutter contre la désinformation.
Mesures de vigilance maximale en santé publique
Face à la propagation de maladies comme le mpox, les gouvernements et les autorités de santé publique doivent mettre en place des mesures de vigilance maximale. Ces mesures incluent la surveillance renforcée des cas, des campagnes de sensibilisation du public, et l’encouragement à la vaccination lorsque disponible.
La prévention et la gestion des maladies passent également par une communication transparente et fondée sur des preuves scientifiques. Les autorités doivent agir rapidement pour démentir les fausses informations et fournir des mises à jour régulières et fiables.
En outre, la collaboration internationale est cruciale pour partager des données, des ressources et des stratégies visant à contenir et à traiter efficacement les épidémies. Les institutions de recherche doivent également accélérer les études cliniques tout en garantissant leur rigueur éthique et scientifique.
Ainsi, la vigilance maximale en matière de santé publique n’est pas seulement une affaire de politiques et de protocoles, mais aussi d’engagement collectif envers la précision, la transparence, et la responsabilité partagée.