Dans le cadre de la stabilité institutionnelle, la période des affaires courantes pose un défi pour tout gouvernement démissionnaire. Ce moment charnière, souvent méconnu du grand public, est cependant crucial pour la continuité minimale de l’État. Lorsque le gouvernement en place remet sa démission, ses missions se restreignent à des fonctions administratives et urgentes, en attente de la nomination d’une nouvelle équipe dirigeante. Cette gestion transitoire, délicate et encadrée par des directives précises, vise à éviter tout vide institutionnel et à maintenir le fonctionnement fluide des services publics essentiels.
Le rôle d’un gouvernement démissionnaire pendant la période des affaires courantes
Lorsqu’un gouvernement présente sa démission, il ne s’agit pas pour autant d’une vacance totale de pouvoir. En effet, le gouvernement démissionnaire reste en fonction jusqu’à la nomination d’une nouvelle équipe pour assurer la continuité minimale de l’État. Cette période est communément appelée la gestion des « affaires courantes ». Les responsabilités du gouvernement sont alors limitées à la gestion des actions administratives et des affaires qui ne nécessitent pas de prises de décisions politiques majeures.
Le Secrétariat général du gouvernement (SGG) précise que cette gestion des affaires courantes comprend d’une part les « affaires ordinaires », qui sont des démarches administratives routinières, et d’autre part les « affaires urgentes », qui demandent une réponse immédiate pour des raisons de sécurité nationale, d’urgence sanitaire ou de catastrophe naturelle.
Durant cette période, le gouvernement ne peut pas initier de nouveaux projets de loi ni prendre de décisions politiques significatives. Cependant, il doit veiller à ce que l’administration publique continue de fonctionner efficacement et à ce qu’il n’y ait pas de rupture dans les services essentiels offerts aux citoyens. Le maintien de cette continuité administrative est crucial pour éviter un vide institutionnel qui pourrait affaiblir la stabilité de l’État.
Les ministres en période de transition: Qui fait quoi?
Durant la période des affaires courantes, les ministres continuent d’exercer leurs fonctions mais avec un pouvoir restreint. Les ministres élus députés ont la possibilité de retrouver leur mandat parlementaire et de participer aux votes à l’Assemblée nationale. Cela inclut notamment le vote sur des sujets sensibles comme la répartition des postes au sein de l’Assemblée.
Cependant, cette dualité de fonctions peut poser des problèmes juridiques et démocratiques. En effet, selon la Constitution de la Ve République, la séparation entre les fonctions exécutives et législatives est conçue pour éviter de tels cumuls. Par exemple, un ministre démissionnaire comme Gabriel Attal pourrait se retrouver à la fois Premier ministre démissionnaire et président du groupe parlementaire ex-Renaissance, une situation qui soulève des questions sur la séparation des pouvoirs et l’équilibre démocratique.
Pour limiter les abus de pouvoir et garantir une transition sans heurts, le Secrétariat général du gouvernement émet des directives claires. Les ministres doivent se limiter à des décisions administratives courantes et urgentes sans engager de nouvelles politiques ou de dépenses importantes. En outre, les réunions interministérielles sont réduites au minimum pour éviter de prendre des décisions qui pourraient être remises en cause par le prochain gouvernement.
La Ve République face à une situation inédite
La Ve République française, instaurée en 1958, est conçue pour assurer la stabilité et la continuité de l’État, même en cas de crises politiques. Cependant, la situation actuelle est particulièrement complexe et inédite. Traditionnellement, un gouvernement démissionnaire reste en place seulement quelques jours à une quinzaine de jours, permettant ainsi une transition rapide. Mais cette fois-ci, la nomination d’un nouveau gouvernement pourrait prendre plus de temps.
Plusieurs facteurs contribuent à cette complexité. Tout d’abord, l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale rend difficile la formation d’un nouveau gouvernement de coalition. De plus, le contexte des Jeux Olympiques, qui débuteront à Paris le 26 juillet, ajoute une pression supplémentaire pour garantir une stabilité gouvernementale durant cet événement international. Emmanuel Macron a d’ailleurs déclaré vouloir laisser du temps aux forces politiques pour bâtir des compromis, ce qui pourrait allonger la période de gestion des affaires courantes.
Cette situation pose également des défis constitutionnels et juridiques. Par exemple, les ministres démissionnaires, redevenus députés, peuvent participer aux votes à l’Assemblée nationale, ce qui pourrait créer des conflits d’intérêts et des problèmes d’équilibre démocratique, comme le souligne le constitutionnaliste Benjamin Morel.
Les limites du pouvoir exécutif en période de transition
En période de transition, les pouvoirs du gouvernement démissionnaire sont sévèrement limités pour éviter toute dérive autoritaire et garantir une passation de pouvoir en douceur. Les décisions politiques majeures sont suspendues, et seules les actions administratives nécessaires à la continuité de l’État sont autorisées. Ces actions incluent la gestion des services publics essentiels, la sécurité intérieure, et la réponse rapide aux situations d’urgence.
Les nominations politiques sensibles, telles que celles des directeurs d’administration centrale, sont également suspendues pour éviter tout favoritisme ou conflit d’intérêts. En revanche, le chef de l’État peut encore procéder à des nominations moins sensibles pour assurer le bon fonctionnement des institutions publiques. Les décisions réglementaires ne sont prises qu’en cas d’absolue nécessité et souvent uniquement par exception.
Cette limitation des pouvoirs a pour but de respecter la neutralité politique pendant la période de transition et de maintenir la confiance du public dans les institutions de l’État. Le président de la République peut néanmoins continuer à réunir le Conseil des ministres, bien que les ordres du jour soient souvent réduits aux questions les plus urgentes et aux affaires courantes sans implication politique.
L’absence de projets de loi et ses raisons
Durant la période des affaires courantes, aucun gouvernement sous la Ve République n’a présenté de nouveaux projets de loi. Plusieurs raisons expliquent cette absence. Tout d’abord, toute mesure législative est considérée comme étant « importante et politiquement sensible », nécessitant une légitimité que le gouvernement démissionnaire ne possède plus.
Ensuite, il serait inapproprié de saisir le Parlement alors que celui-ci est privé de sa prérogative principale, à savoir la capacité de renverser le gouvernement par une motion de censure. Cela créerait un déséquilibre démocratique où le gouvernement pourrait légiférer sans craindre de sanctions parlementaires, ce qui est contraire à l’esprit de la démocratie représentative.
Enfin, éviter de proposer de nouveaux projets de loi permet de laisser le champ libre au futur gouvernement, qui pourra alors établir ses propres priorités sans être contraint par les décisions prises par l’équipe sortante. Cela favorise une transition plus fluide et moins conflictuelle, garantissant que les initiatives législatives futures soient en adéquation avec les orientations politiques choisies par la nouvelle majorité parlementaire.
Projets de loi spécifiques autorisés sous conditions
Bien que la règle générale interdise la présentation de projets de loi par un gouvernement en affaires courantes, il existe des exceptions dictées par l’impérative nécessité. Par exemple, un gouvernement démissionnaire peut déposer un projet de loi pour doter le pays d’un budget. Si ce budget ne peut être adopté dans les 70 jours ou n’est pas déposé conformément aux délais, le gouvernement peut alors recourir aux ordonnances en vertu de l’article 47 de la Constitution.
De plus, certains projets de loi peuvent être déposés pour éviter la caducité d’une ordonnance, réparer une inconstitutionnalité ou transposer une directive européenne dans les délais impartis. Cela garantit que les obligations internationales et constitutionnelles de la France soient respectées, même en période de transition.
Enfin, en cas d’état d’urgence, le gouvernement doit obtenir l’autorisation du Parlement pour prolonger cet état au-delà de douze jours. Cette disposition assure que les mesures exceptionnelles nécessaires à la protection de la sécurité nationale ne soient pas entravées par la transition gouvernementale, tout en maintenant un contrôle parlementaire nécessaire à leur légitimité démocratique.
En conclusion, bien que les pouvoirs exécutifs soient limités durant la période des affaires courantes, certaines exceptions existent pour garantir la continuité de l’État et le respect des obligations légales et constitutionnelles.