Les funérailles nationales d’Alberto Fujimori, ex-président du Pérou au parcours controversé, ont mis en exergue les profondes divisions qui traversent encore la société péruvienne. Entre admiration pour ses réformes économiques et condamnation de ses atteintes aux droits humains, le legacy de Fujimori demeure complexe et âprement débattu. Ce dirigeant, d’origine japonaise, qui a su stabiliser l’économie tout en orchestrant des répressions brutales, continue de diviser les opinions même après sa disparition. À travers ce regard rétrospectif sur son influence, le Pérou réévalue l’héritage d’un homme dont les actions ont marqué à jamais l’histoire du pays.
Alberto Fujimori : Un héritage divisé au Pérou
La figure d’Alberto Fujimori, ancien président du Pérou, reste l’une des plus controversées de l’histoire contemporaine du pays. Dirigeant d’origine japonaise, il a gouverné avec une poigne de fer de 1990 à 2000. Ses années au pouvoir ont marqué la nation, partageant profondément l’opinion publique. D’un côté, Fujimori est reconnu pour avoir stabilisé une économie en déroute et combattu sans relâche les guérillas maoïstes, notamment le Sentier lumineux. De l’autre, son règne est entaché par des scandales de corruption et des atteintes graves aux droits humains. Cette dualité continue d’alimenter les débats au sein de la population péruvienne, illustrant un héritage politique aussi riche que controversé.
Funérailles nationales et réactions partagées
Trois jours de deuil national ont précédé les funérailles d’Alberto Fujimori, lesquelles ont vu des milliers de ses partisans défiler devant son cercueil, exposé au ministère de la Culture. Ces derniers, arborant des T-shirts à son effigie et portant des fleurs, ont manifesté un profond respect pour l’homme qu’ils considèrent comme le « sauveur » du Pérou. Cependant, les funérailles ont également mis en lumière une fracture sociale profonde. Nombre de Péruviens se souviennent des violations des droits humains et des méthodes autoritaires de son régime. Les proches des victimes des massacres orchestrés par les forces armées sous son commandement ont exprimé leur amertume, regrettant qu’il soit décédé sans avoir présenté des excuses publiques. Cette polarisation témoigne de l’impact durable et diviseur du passage de Fujimori à la tête du pays.
Fujimori, héros économique ou despote corrompu?
Pour ses partisans, Fujimori reste un héros économique. Les politiques ultralibérales qu’il a mises en place ont permis de stabiliser une économie mal en point et d’attirer des investissements étrangers. Son administration est créditée d’avoir maîtrisé une inflation galopante et relancé la croissance économique. Cependant, cette réussite économique est teintée de pratiques autoritaires et de scandales de corruption. Fujimori et ses proches collaborateurs sont accusés d’avoir détourné des millions de dollars. Les méthodes de répression utilisées pour éradiquer les guérillas, parfois au mépris des droits fondamentaux, ont terni son image de réformateur économique. Ainsi, l’évaluation de l’impact de Fujimori oscille entre admiration pour ses succès économiques et dénonciation de ses abus de pouvoir.
Crimes contre l’humanité et condamnation historique
En 2009, Alberto Fujimori a été condamné à 25 ans de réclusion pour crimes contre l’humanité. La sentence historique portait principalement sur deux massacres perpétrés par un escadron militaire, le Groupe Colina, dans les années 1990 : celui de Barrios Altos, où 15 civils, dont un enfant, ont été exécutés, et celui de l’université de La Cantuta, où dix personnes ont trouvé la mort. La condamnation de Fujimori pour ces actes a marqué une étape cruciale dans la reconnaissance des violences commises sous son régime. Malgré les appels à la clémence et les plaidoiries en faveur de sa contribution à la lutte contre le terrorisme, cette condamnation a mis en lumière les méthodes brutales employées et a souligné la nécessité de justice pour les victimes et leurs familles.
Emprisonnement et état de santé déclinant
Après avoir purgé 16 années de prison, Alberto Fujimori a été libéré en décembre 2021 pour raisons humanitaires en raison de son état de santé déclinant. Diagnostiqué avec plusieurs pathologies graves, dont une tumeur à la langue et aux poumons, Fujimori a été hospitalisé à plusieurs reprises au cours des dernières années de sa vie. Sa détention dans des conditions de santé précaires et les controverses entourant sa libération ont continué d’alimenter le débat public et ont suscité l’indignation des familles des victimes. Ces derniers jours, son état s’est rapidement détérioré, marquant une fin de vie tumultueuse pour l’ancien président, dont les actions et les décisions continuent de résonner dans la conscience collective du Pérou.
Le dernier exil et la bataille judiciaire internationale
La chute de Fujimori a commencé en 2000 avec un scandale de corruption, le poussant à fuir au Japon, pays dont il détenait également la nationalité. Il a démissionné par fax et s’est réfugié à Tokyo, où il a échappé pendant plusieurs années aux tentatives d’extradition par le Pérou. Finalement, en 2005, c’est au Chili qu’il a été arrêté, et après une longue bataille judiciaire, il a été extradé vers le Pérou en 2007. Cet épisode a illustré non seulement la complexité des relations internationales en matière de justice, mais aussi la détermination du Pérou à tenir l’ancien président responsable de ses actes. Les procédures judiciaires internationales ont mis en avant un homme politique en chute libre, tentant désespérément de fuir les conséquences de ses actions, mais finalement rattrapé par la justice.