Alors que le Zimbabwe continue de lutter contre une inflation galopante, la récente tentative d’introduction d’une nouvelle monnaie, le ZiG, n’a pas réussi à stabiliser la situation économique. Depuis avril 2024, les avions pleins de dollars américains continuent de repartir à vide, illustrant la profonde crise de confiance envers les mesures monétaires du gouvernement. Cet article explore les multiples facettes de cet échec retentissant, de la persistance du dollar américain aux erreurs de lancement du ZiG, en passant par le rôle critique d’entreprises comme Mukuru dans la fourniture de devises stables.
Le chaos du lancement du ZiG : La nouvelle monnaie échoue à s’imposer
Le ZiG, la nouvelle monnaie introduite par le gouvernement du Zimbabwe en avril 2024, a connu un début particulièrement chaotique. Conçue pour contrer une inflation galopante, cette monnaie basée sur l’or n’a pas réussi à convaincre les 14 millions d’habitants du pays. Dès le lancement, les problèmes logistiques ont été nombreux. Les banques ont eu seulement un week-end pour se préparer, entraînant une confusion généralisée et un manque de confiance parmi la population.
Les Zimbabwéens, habitués à l’utilisation du dollar américain pour la majorité de leurs transactions, n’ont pas vu de raison impérieuse de changer leurs habitudes. Le manque de familiarité avec le ZiG et l’incapacité du gouvernement à gérer efficacement son déploiement ont laissé les consommateurs sceptiques. Les commerçants ont également été réticents à accepter cette nouvelle monnaie, préférant la stabilité et la reconnaissance internationale du dollar américain.
En conséquence, le ZiG a été relégué au rang de monnaie secondaire. La persistance de l’inflation malgré l’introduction du ZiG a renforcé cette préférence pour la devise américaine. Les experts économiques critiquent ce lancement précipité et mal planifié, arguant que le gouvernement aurait dû prendre plus de temps pour instaurer des mesures d’accompagnement et gagner la confiance des citoyens.
La persistance du dollar américain au Zimbabwe
Malgré l’introduction du ZiG, le dollar américain reste la principale monnaie d’échange au Zimbabwe. Environ 80 à 85 % des transactions se font en dollars américains, une situation qui illustre le manque de confiance des Zimbabwéens en leur propre monnaie nationale. Cette persistance s’explique par plusieurs facteurs cruciaux.
Le dollar américain est perçu comme une monnaie stable et universellement reconnue, ce qui est crucial dans un contexte d’hyperinflation et de volatilité économique. Les commerçants et les consommateurs préfèrent utiliser le dollar américain pour garantir la valeur de leurs transactions, éviter les pertes dues à la dépréciation rapide et conserver un certain pouvoir d’achat.
Le système financier du Zimbabwe est également largement adapté à l’utilisation du dollar américain. Les banques et les entreprises ont mis en place des infrastructures et des mécanismes de paiement qui favorisent les transactions en dollars. Cette réalité économique fait que, malgré les efforts du gouvernement pour promouvoir le ZiG, il reste difficile de déloger une monnaie bien ancrée dans les habitudes et le tissu économique du pays.
L’utilisation continue du dollar américain soulève des questions sur la souveraineté économique du Zimbabwe et la capacité de son gouvernement à instaurer une politique monétaire stable et efficace. De nombreux experts appellent à une réforme en profondeur du système économique et à des mesures de restauration de la confiance pour que le ZiG puisse un jour devenir une monnaie viable.
Mukuru : L’entreprise qui remplit les besoins en dollars
Mukuru est une entreprise de transfert de fonds qui joue un rôle phare dans l’économie zimbabwéenne en apportant des dollars américains au pays. Fondée à Cambridge, au Royaume-Uni, par des Zimbabwéens cherchant à envoyer de l’argent à leurs familles, Mukuru a su exploiter l’explosion des paiements par téléphone mobile pour établir un réseau solide.
Ce réseau permet d’importer des millions de dollars chaque mois à Harare, la capitale. Parfois, des avions atterrissent jusqu’à trois fois par semaine avec des valises pleines de dollars, avant de repartir à vide. Cette opération est essentielle pour répondre à la demande locale en dollars américains, utilisée pour la majorité des transactions du pays. Mukuru devient ainsi un acteur clé face à la crainte de l’instabilité financière liée au ZiG.
Cette entreprise a su combiner innovation et opportunisme pour combler un besoin crucial. En effet, la fiabilité des transactions en dollars américains est un atout majeur pour les citoyens qui cherchent à protéger leur pouvoir d’achat et à éviter les dépréciations constantes de la monnaie locale. Le succès de Mukuru met en lumière l’importance du secteur privé dans l’économie zimbabwéenne et son rôle dans la stabilisation économique.
Ce succès pose toutefois des questions sur la capacité du gouvernement à prendre le contrôle de la situation monétaire. L’intervention d’entreprises comme Mukuru souligne les lacunes du système financier officiel et la nécessité d’une refonte globale pour parvenir à une stabilisation à long terme.
Retour sur l’histoire monétaire du Zimbabwe
L’histoire monétaire du Zimbabwe est marquée par des crises récurrentes et une hyperinflation extrême. Depuis son indépendance en 1980, le pays a subi plusieurs dévaluations et réformes monétaires, chacune visant à stabiliser une économie en perpétuelle turbulence.
Jusqu’en 2009, le dollar zimbabwéen était la monnaie officielle. Cependant, en raison d’une gestion économique désastreuse, il a perdu une valeur colossale, au point où des billets de 100.000 milliards de dollars zimbabwéens valaient à peine plus de 10 dollars américains. Cette dévaluation spectaculaire a conduit à l’adoption du dollar américain et d’autres devises étrangères comme monnaies d’échange officielles pour tenter de stabiliser l’économie.
Entre 2009 et 2019, le Zimbabwe a fonctionné sous un régime de monnaies multiples, mais l’hyperinflation a persisté. En 2019, le gouvernement a réintroduit le dollar zimbabwéen dans une tentative de regagner le contrôle monétaire, mais cette décision s’est soldée par un nouvel échec, plongeant le pays dans une inflation accrue.
Les multiples réformes monétaires ont affaibli la confiance de la population envers la monnaie nationale. La transition vers le ZiG en 2024 est la dernière tentative en date pour stabiliser l’économie, mais sans succès notable jusqu’à présent. Cette histoire tumultueuse illustre les défis énormes auxquels le Zimbabwe est confronté en matière de politique monétaire et la difficulté de restaurer une économie durable.
Les erreurs du lancement précipité du ZiG
Le lancement précipité du ZiG en avril 2024 est critiqué pour plusieurs erreurs majeures qui ont contribué à son échec. Le manque de préparation en est la principale cause. Le gouvernement n’a accordé qu’un week-end aux banques pour s’organiser, ce qui a conduit à une logistique chaotique et à un manque de communication claire vers le public.
De plus, les infrastructures financières n’étaient pas prêtes à gérer cette transition. Les commerçants et les consommateurs n’ont pas été suffisamment informés ou formés sur l’utilisation de la nouvelle monnaie. Le manque de points de conversion fiables et la difficulté à obtenir des ZiG ont également dissuadé les citoyens de l’adopter. Les problèmes techniques ont été nombreux, exacerbant la méfiance déjà présente envers la politique monétaire du gouvernement.
L’un des aspects cruciaux négligés a été l’absence de mesures d’accompagnement pour soutenir l’adoption du ZiG. Aucune incitation fiscale ou bénéfice tangible n’a été mis en place pour encourager les transactions en ZiG. Sans ces mesures, il était peu probable que les Zimbabwéens choisiraient d’abandonner une monnaie stable comme le dollar américain.
Enfin, l’inflation continue au Zimbabwe a également joué un rôle dans l’échec du ZiG. Sans une stabilisation économique préalable, introduire une nouvelle monnaie était voué à l’échec. Les erreurs du lancement précipité du ZiG soulignent la nécessité d’une planification minutieuse, d’une communication efficace et de réformes économiques solides pour restaurer la confiance et assurer la viabilité d’une monnaie nationale.