L’actualité politique au Tchad se trouve à un tournant crucial. Succès Masra, l’ancien premier ministre et figure de l’opposition, a exprimé son désaccord sur l’organisation des élections législatives prévues le 29 décembre 2024. Dans une interview accordée à l’Agence France-Presse, il a dénoncé la situation actuelle comme une « mascarade » et a appelé à un boycott, arguant que le soutien de la France au président Mahamat Idriss Déby constitue un sérieux obstacle à la démocratie dans le pays.
Les élections législatives et communales s’annoncent comme un moment décisif. Succès Masra, qui se positionne contre le régime actuel, met en avant des préoccupations quant à la légitimité et à la transparence de ce scrutin. Il estime que les leçons tirées des autres élections, notamment celle présidentielle qui a vu l’élection controversée de Déby, n’ont pas été intégrées. « Personne n’a voulu tirer les leçons de la présidentielle, qui était déjà un vol en règle », s’insurge l’ex-premier ministre. Son appel à boycotter les élections repose sur l’idée que les conditions actuelles ne favorisent pas un vote honnête ni juste.
Un contexte électoral controversé
Cette année marque les premières législatives au Tchad depuis 2015, et le climat politique est particulièrement tendu. Succès Masra dénonce la division au sein même du régime, expliquant, « on se retrouve avec un camp face à lui-même »
, une situation inédite où le parti présidentiel, le Mouvement patriotique du salut (MPS), se voit confronté à ses anciens alliés de la coalition Tchad uni. Ce schisme interne illustre les failles du système en place.
En plus de la fragmentation politique, des changements récents dans le découpage électoral suscitent des inquiétudes. Masra accuse le gouvernement d’avoir « réduit le poids électoral des provinces les plus peuplées pour favoriser les moins peuplées », ce qui pourrait avoir un impact significatif sur les résultats des élections et sur la représentativité des voix des électeurs. L’opposition souhaiterait d’ailleurs un report des élections à 2025 afin de garantir des conditions de vote optimales, notamment pour les 2 millions de sinistrés des inondations.
Une influence française controversée
En mission à Paris, Succès Masra a tenté de sensibiliser les conseillers d’Emmanuel Macron sur la nécessité d’un changement dans la posture française vis-à-vis du Tchad. Il a affirmé « L’attitude de la France constitue un frein dans notre processus démocratique »
. Son message s’adresse à une France qu’il considère comme trop impliquée dans les affaires internes du Tchad, un sentiment renforcé par le soutien évident de Paris à Mahamat Déby, après sa victoire électorale contestée en mai.
La critique s’intensifie envers la France, qui serait perçue comme négligeant les aspirations du peuple tchadien au profit d’une stabilité supposée, tout en favorisant un régime autoritaire. Masra indique que si « le minimum aurait été de rester neutre, la France a clairement choisi une famille au détriment du peuple tchadien ».
Geopolitique et préoccupations sécuritaires
Alors que le Tchad fait face à des défis à la fois internes et externes, une collaboration renforcée avec d’autres pays, notamment la Russie et les Émirats arabes unis, pose également des questions sur la future orientation géopolitique du pays. Masra évoque un « risque considérable » auquel le Tchad est confronté si un soutien militaire est apporté à des groupes paramilitaires au détriment des principes démocratiques. « C’est même dangereux, regardez où cela a conduit le Soudan, d’avoir des “hommes forts” : à la fin tout le monde se tape dessus, le pays se délite, il n’y aura pas de gagnant »
, affirme-t-il, mettant en lumière la nature fragile de la stabilité politique.
Face à ce tableau complexe, la communauté internationale fait face à un dilemme : soutenir un régime jugé autoritaire pour préserver la paix, ou encourager une véritable démocratie qui pourrait engendrer des changements profonds et nécessaires au Tchad. Le temps est ainsi à l’observation et à la réflexion, tant pour les acteurs politiques tchadiens que pour leurs alliés étrangers.
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