L’attente depuis des années, la crise de la représentation politique a eu tendance à s’aggraver sous le double mandat d’Emmanuel Macron : la montée de l’abstention, la contestation de plus en plus vive du fonctionnement des institutions par les partis d’opposition, l’éclatement à intervalles réguliers de révoltes, comme le mouvement des « gilets jaunes » en 2018 ou les émeutes urbaines de l’été 2023, sont le symptôme d’un profond malaise démocratique.
Après avoir expérimenté de nouveaux outils, comme les conventions citoyennes ou le Conseil de la refondation, Emmanuel Macron est tenté de réhabiliter l’arme plus classique du référendum dont il s’est pourtant tenu à l’écart depuis son entrée à l’Elysée. Mercredi 4 octobre, à l’occasion du 65e anniversaire de la Ve République, le chef de l’Etat n’a pas annoncé qu’il en déclencherait un. Il s’est en revanche dit prêt à élargir le champ prévu par l’article 11 de la Constitution, aujourd’hui limité aux traités internationaux, aux réformes touchant à l’organisation des pouvoirs publics, à la politique économique, sociale et environnementale.
Il a également souhaité simplifier les modalités de recours au référendum d’initiative partagée (RIP), qui existe depuis 2008 mais qui n’a jamais pu aboutir en raison de seuils de déclenchement prohibitifs. Les modifications proposées par le chef de l’Etat, si elles aboutissaient, s’inscriraient dans une révision constitutionnelle qui pourrait concerner d’autres sujets comme la Nouvelle-Calédonie, la Corse, l’interruption volontaire de grossesse ou l’indépendance du parquet.
Valoriser la souveraineté populaire répond à une revendication de plus en plus prégnante dans l’espace politique. La démarche ne déroge en rien à l’esprit des institutions puisque le général de Gaulle y a eu recours aux moments-clés de son mandat pour tenter, à ses risques, d’y puiser une nouvelle légitimité. Mais, dans le climat de déconsidération politique actuel, les injonctions du président de la République apparaissent contradictoires.
Emmanuel Macron souhaite tout à la fois « répondre aux aspirations démocratiques de notre temps » et éviter que la Constitution ne soit révisée « sous le coup de l’émotion ». Il cherche à stimuler la démocratie directe mais ne veut pas pour autant accentuer l’affaiblissement de la démocratie représentative. Or, sa proposition d’élargir le champ de l’article 11 répond à une demande pressante de la droite qui, prise dans une irrépressible surenchère avec l’extrême droite, réclame depuis le printemps un référendum sur l’immigration dans le but, notamment, de déroger au droit européen, présenté comme trop laxiste. La gauche estime pour sa part qu’elle aurait pu mettre en échec la réforme des retraites en actionnant un RIP plus accessible. Dans les deux cas, le caractère à la fois conjoncturel et émotionnel des revendications ne fait aucun doute.
Quant au conflit de légitimité entre les différents pouvoirs, il est patent. Pour voter une révision constitutionnelle, il faut la majorité des trois cinquièmes au Congrès. Sur les sujets susceptibles d’entrer dans le champ de l’article 11 comme sur l’abaissement du seuil de déclenchement du RIP, la gauche et la droite auront du mal à s’entendre tant leurs intérêts divergent. Il existe donc une probabilité que la révision constitutionnelle ne voie pas le jour.
L’initiative du chef de l’Etat est donc fondamentalement ambiguë. Sous le couvert de réhabiliter l’outil référendaire, le résultat de sa démarche pourrait aboutir à en pointer au contraire les risques et les limites. La crise démocratique, elle, sera toujours là.
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