Les élections présidentielles en Turquie mobilisent l’opinion publique depuis plusieurs semaines. Lors de ce scrutin, Recep Tayyip Erdogan brigue un troisième mandat, mais cette fois-ci, l’enjeu est de taille. Depuis vingt ans, il est aux commandes du pays et souhaite remodeler la Turquie à son image en édifiant la « Deuxième République ». Cette dernière serait plus marquée religieusement, plus autocratique et plus distanciée de l’Occident, par opposition à celle fondée par Mustafa Kemal Atatürk.
Cependant, son objectif pourrait être compromis car, selon les sondages, son rival, Kemal Kiliçdaroglu, le candidat d’une opposition unie, dispose d’une légère avance. Toutefois, il est difficile de savoir si l’un ou l’autre sera élu dès le premier tour, d’autant plus que le retrait inattendu de la course de Muharrem Ince, un outsider crédité de 2 % à 4 % des intentions de vote, pourrait bénéficier à l’opposition.
Malgré sa popularité auprès d’une base solide (30 % à 40 % de l’électorat), l’influence de Recep Tayyip Erdogan s’est estompée en raison de la piètre situation de l’économie turque. L’inflation, qui a atteint 44 % en avril sur un an, frappe la population de plein fouet et il en est le principal responsable. En sa qualité d’autocrate, il a systématiquement foulé aux pieds les institutions turques, la banque centrale en particulier, en limogeant trois gouverneurs en deux ans. Sa politique consiste à baisser les taux d’intérêt pour juguler l’inflation, avec un résultat inverse et la dépréciation de la livre turque.
Kemal Kiliçdaroglu, le rival de Recep Tayyip Erdogan, s’est engagé à restaurer l’indépendance de l’institution et à ramener le taux d’inflation à un chiffre. L’homme politique promet également de remettre l’économie turque sur les rails et de relancer la démocratie. Des milliers de prisonniers et d’exilés espèrent obtenir une amnistie. M. Kiliçdaroglu s’est engagé à faire libérer le leader kurde Selahattin Demirtas ainsi que le mécène Osman Kavala, injustement condamnés par une justice aux ordres. Plus largement, l’alliance de l’opposition ambitionne d’en finir avec le système instauré par Recep Tayyip Erdogan, notamment son pouvoir discrétionnaire de gouverner par décret dans son immense palais.
Si Recep Tayyip Erdogan perdait cette élection, cela représenterait une victoire pour la population qui gagnerait en liberté et en prospérité grâce à un nouveau gouvernement qui s’attèlerait à assainir l’économie. Cette alternance aurait des conséquences bien au-delà des frontières turques et marquerait un nouveau départ dans les relations avec l’Union européenne ainsi qu’avec les Etats-Unis. Elle enverrait également un message positif aux dirigeants des démocraties en montrant que leurs homologues populistes peuvent être vaincus par les urnes.
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