L’air est frais et les nuages s’accumulent sur Crawley, une ville peu attrayante du Sussex, fondée après la seconde guerre mondiale et principalement reconnue pour sa proximité avec l’aéroport de Gatwick. En ce début de janvier, l’office de météorologie britannique prévoit des chutes de neige, ce qui entraîne l’annulation du déjeuner destiné aux aînés de la communauté chagossienne, prévu au centre communautaire de Broadfield, situé au sud de la ville. « Nous ne voulions prendre aucun risque pour nos aînés », précise Mylene Augustin, 55 ans.
Malgré les conditions climatiques difficile, cette cheffe de famille au sourire chaleureux ouvre les portes de son humble résidence. L’intérieur est orné de nombreuses photographies familiales, tandis qu’une télévision diffuse des programmes de la chaîne mauricienne MBC. Énergique, elle souhaite partager son récit et celui de sa mère, Marie-Lucie Tiatous, 80 ans, illustrant des vies marquées par l’exil et la résilience.
Les deux femmes sont des figures emblématiques de la communauté chagossienne à Crawley, qui compte environ 4 000 membres, représentant presque la moitié de la diaspora de ce peuple (estimée à 10 000 individus à travers le monde). Les Chagossiens de Crawley aspirent à être entendus, ressentant à nouveau qu’ils sont instrumentalisés par l’Histoire. « Nous sommes des esclaves des temps modernes, manipulés à leur convenance par les États », déplore Mylene Augustin.
Il y a environ soixante ans, les Chagossiens ont subi une injuste expulsion. Ce groupe créole, descendant d’esclaves déplacés d’Afrique au XVIIIe siècle, habitait depuis des générations l’archipel des Chagos, une série d’îles isolées au cœur de l’océan Indien, situées à 1 800 kilomètres à l’est des Seychelles et à 2 000 kilomètres au nord-est de l’île Maurice.
Un Exil Injuste
Les événements qui ont conduit à l’exil des Chagossiens ont commencé dans les années 1960, lorsque les États-Unis ont négocié un accord avec le Royaume-Uni pour établir une base militaire sur l’île de Diego Garcia, le plus grand atoll de l’archipel. Ainsi, des forces militaires britanniques ont expulsé les habitants de leurs terres ancestrales. Cela a entraîné une souffrance incommensurable et un déracinement dont les répercussions continuent de se faire sentir aujourd’hui.
« On nous a forcés à quitter nos maisons, nos terres. C’était une vie paisible avant cela », se souvient Mylene, exprimant la douleur qui persiste chez les membres de la communauté. Beaucoup d’entre eux se sont installés à Crawley, cherchant un nouveau départ, bien que les souvenirs de leur île natale demeurent profondément ancrés en eux.
Un Lien Culturel Indéfectible
La culture chagossienne, riche et vivante, est un élément central de l’identité de cette communauté exilée. Les traditions se transmettent de génération en génération, malgré l’éloignement géographique. Des célébrations, des rencontres et des repas partagés permettent de maintenir ces liens. « Chaque plat que nous cuisinons nous rappelle notre héritage et nos racines, »
affirme Marie-Lucie, avec fierté.
Pourtant, leur lutte pour la reconnaissance et la justice demeure inachevée. Les Chagossiens espèrent toujours que leur voix sera entendue au sein des dialogues sur les droits des peuples autochtones et la réparation des préjudices subis. Ils souhaitent que leur histoire ne soit pas oubliée.
Résilience et Espoir
Dans ce contexte difficile, la communauté chagossienne à Crawley demeure un exemple de résilience. Les générations se succèdent et, malgré les obstacles, l’espoir d’une reconnaissance est toujours présent. La solidarité entre les membres est palpable, le soutien et l’entraide étant essentiels pour surmonter les défis quotidiens.
Des actions locales sont mises en place, incluant des événements culturels permettant de célébrer leur histoire tout en sensibilisant le reste de la société. Mylene et Marie-Lucie font partie de ceux qui s’efforcent de ne pas laisser leur héritage s’éteindre. « Nous ne voulons pas être des oubliés, notre histoire mérite d’être racontée », conclut Mylene.
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