Manifestation contre la réforme constitutionnelle provinciale à Purmamarca, dans la province de Jujuy (Argentine), le 17 juin 2023. Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées dans cette région du Nord-Ouest argentin ainsi qu’à Buenos Aires pour exprimer leur désaccord face à cette réforme. Les pancartes brandies lors de la manifestation portaient des messages forts tels que « L’eau vaut plus que le lithium » et « Non à la réforme ».
Cette nuit-là, la région commémorait également la « noche del apagon » ou « la nuit du black-out ». En 1976, lorsqu’une junte militaire était au pouvoir, des coupures d’électricité avaient été orchestrées dans le but de procéder à l’enlèvement, à la détention ou à l’assassinat de 400 personnes, dont 33 continue de rester portées disparues dans la province de Jujuy. Cette commémoration annuelle est traditionnellement marquée par des gestes mémoriels. Cependant, cette année, de nouvelles revendications sont venues s’ajouter.
Les communautés autochtones de la province s’opposent activement à une réforme de la Constitution locale qui est menée à marche forcée par le gouverneur Gerardo Morales. Ces amendements, adoptés en seulement trois semaines alors que trois mois de débats étaient prévus, inquiètent les communautés indigènes qui craignent de voir leurs droits de protection face à l’avancée de l’exploitation du lithium dans la région être amoindris.
Au mois de juin, des centaines de personnes ont convergé des hauts plateaux andins (puna argentine) vers San Salvador de Jujuy, la capitale provinciale, pour manifester contre cette réforme jugée précipitée. Le jour de l’adoption de la réforme, le 20 juin, les manifestations organisées devant l’Assemblée constituante ont été violemment réprimées et ont fait 96 blessés selon les autorités locales. Cette réforme constitutionnelle a été menée de manière expéditive, avec une faible consultation des communautés autochtones, d’après Pablo Gargiulo, avocat membre de l’association Andhes, qui regroupe des avocats du nord de l’Argentine.
Cette absence de consultation est critiquée par les communautés autochtones, mais le gouvernement local se défend en affirmant avoir respecté les procédures nécessaires. Cependant, cette absence de consultation contrevient non seulement à la convention 169 de l’Organisation internationale du travail, ratifiée par l’Argentine, mais aussi à la Constitution nationale qui prime sur les Constitutions provinciales. En effet, l’Argentine a souscrit à plusieurs traités et conventions internationales reconnaissant les droits des communautés autochtones à être informées des mesures pouvant les affecter.
Parmi les points les plus critiqués de cette réforme constitutionnelle figure l’article 67 qui interdit les coupures de rues, de routes et toute autre perturbation du droit à la libre circulation des personnes. Or, les blocages des routes menant vers le Chili et la Bolivie sont des formes d’action directe souvent utilisées par les communautés autochtones pour faire entendre leurs revendications. L’introduction de cette nouvelle norme limite ainsi considérablement leurs possibilités de manifester et de rendre visibles leurs demandes.
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