Le 27 octobre 1924, dans le contexte du protectorat français sur le Vietnam, a été fondée l’École supérieure des beaux-arts de l’Indochine (EBAI), une institution visant à former une nouvelle génération d’artistes au sein d’une société où l’art était encore perçu comme de l’artisanat. Sous l’impulsion du peintre Victor Tardieu, cette école a ouvert ses portes en 1925 à Hanoï, cherchant à marier l’enseignement classique de la peinture à l’héritage culturel vietnamien. À l’occasion du centenaire de cette fondation, un livre consacré à cet établissement met en lumière son impact historique et artistique.
Dans un Vietnam sous le joug colonial, l’apparition de l’EBAI a marqué un tournant dans le paysage artistique local. Le peintre français Victor Tardieu, lauréat d’un prix prestigieux, a décidé de fonder cette école après avoir été captivé par l’art vietnamien lors d’un séjour à Hanoï. En collaboration avec des artistes locaux tels que Nguyen Van Tho, connu sous le nom de Nam Son, Tardieu a souhaité initier les jeunes talents à un enseignement artistique complet, mêlant savoir-faire traditionnel et technique occidentale, afin de cultiver une forme d’art unique adaptée à leur culture. Cette initiative a permis à des artistes comme Lê Phô et Mai-Thu de faire évoluer leur pratique.
Une pédagogie novatrice pour une culture en transition
L’EBAI a proposé un cursus de cinq ans, comportant divers modules allant du dessin académique à l’histoire de l’art, tout en préservant les techniques traditionnelles vietnamiennes telles que la peinture sur soie et le travail de la laque. Selon Charlotte Aguttes-Reynier, directrice associée de la maison de ventes Aguttes, cet établissement a été un pilier dans l’ouverture des esprits et la formation d’une identité artistique. Leurs travaux témoignaient de la volonté d’une synthèse entre héritage et modernité, permettant une représentation authentique du Vietnam sur la scène internationale. Ainsi, le musée Cernuschi à Paris rend hommage à ce métissage culturel à l’occasion de l’anniversaire de l’école par une exposition regroupant 150 œuvres marquantes.
Une histoire entre traditions et modernité
Ces artistes ayant fréquenté l’EBAI ont vu leur carrière s’épanouir en France où ils ont su capter l’attention du public et des critiques grâce à leur approche innovante. Par exemple, l’œuvre de Mai-Thu est emblématique de cette fusion des styles. Ce dialogue entre les techniques occidentales apprises et les inspirations profondément ancrées dans le patrimoine vietnamien a permis de déconstruire les stéréotypes associés à l’art du Vietnam, créant ainsi un impact durable sur l’art contemporain. Ce phénomène, comme l’indique l’historien Pierre Paliard, illustre un mouvement général d’adoption de modèles culturels modernes, tout en suscitant parfois des débats sur l’héritage colonial.
Des résonances contemporaines
Le centenaire de l’EBAI offre l’opportunité de revisiter cette période charnière de l’histoire vietnamienne et de son art. La réflexion autour de cet héritage et de ses implications demeure pertinente, surtout dans le contexte actuel où la globalisation culturellement marquée croise les chemins de la tradition. L’ouvrage de Charlotte Aguttes-Reynier, ainsi que l’exposition au musée Cernuschi, permettent une redécouverte des artistes d’hier mais aussi une compréhension des fondements de l’art moderne au Vietnam. Cela réaffirme l’idée qu’un art vivant ne copie pas le passé mais le poursuit, en intégrant des influences nouvelles et des héritages divers.
Mots-clés: École supérieure des beaux-arts de l’Indochine, Victor Tardieu, art vietnamien, synthèse culturelle, modernité, tradition artistique.