L’écrivain Kamel Daoud a été distingué par le prestigieux prix Goncourt 2024 pour son roman Houris, révélée lundi 4 novembre au restaurant parisien Drouant, sous la présidence de Philippe Claudel. Ce livre, publié par Gallimard, compte 416 pages et est proposé au prix de 23 euros en version papier et 15 euros en numérique. Cette récompense succède à un combat littéraire riche, où d’autres œuvres talentueuses, comme Madelaine avant l’aube de Sandrine Collette, Jacaranda de Gaël Faye et Archipels d’Hélène Gaudy, étaient également en lice. En parallèle, le prix Renaudot a été décerné à Gaël Faye pour son propre roman, Jacaranda.
Ce succès tant attendu a suscité des émotions profondes chez Daoud, qui a partagé sur le réseau social X : C’est votre rêve, payé par vos années de vie. À mon père décédé. À ma mère encore vivante, mais qui ne se souvient plus de rien. Aucun mot n’existe pour dire le vrai merci
, accompagné d’une photo touchante de ses parents. Après avoir été annoncé comme le favori du Goncourt, Houris remplace Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea, qui avait remporté le prix l’an dernier.
Un auteur emblématique
Kamel Daoud, né en 1970 à Mostaganem en Algérie, s’est imposé comme une voix incontournable du paysage littéraire français. Ancien journaliste au Quotidien d’Oran et chroniqueur au Point, il a reçu la nationalité française en 2020, après plusieurs années de débats publics sur des questions liées à l’identité nationale et à l’immigration. Avec cette distinction, Kamel Daoud devient le premier Algérien à remporter le Goncourt, une avancée qui, cependant, souligne les complexités de sa situation. En effet, son livre est interdit en Algérie, ce qui a conduit à l’exclusion de Gallimard du Salon du livre d’Alger. La transgression des règles énoncées dans la charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui proscrit toute discussion sur les événements tragiques de la guerre civile algérienne, représente un acte audacieux de sa part.
Une œuvre marquante
Houris plonge le lecteur dans la période sombre de l’Algérie, qualifiée de décennie noire, marquée par des violences extrêmes qui ont causé des centaines de milliers de victimes entre 1992 et 2002. Vingt ans après ces événements, leroman se déroule en deux parties, où l’on suit Aube, une jeune femme de 26 ans, qui s’adresse à l’enfant qu’elle porte. Le récit commence par son monologue, empreint de douleur et de désespoir, affirmant : Je ne lui donnerai pas naissance en ce pays qui m’a tout pris
. Ensuite, elle rencontre un chauffeur-libraire qui, au cœur d’un road trip mémoriel, lui dévoile les brutalités vécues par leur nation.
Leur conversation résonne comme un écho des blessures du passé, tandis que le chauffeur, possédant une connaissance approfondie de la guerre civile, apporte une perspective unique à leur voyage. Parallèlement, Aube, marquée par cette époque tragique, lutte pour trouver sa voix dans un monde qui essaie de l’étouffer. À travers ce récit, Kamel Daoud jette une lumière crue sur des souvenirs enfouis, cherchant à attester des horreurs niées, et soulève ainsi, avec brio, le besoin urgent d’une libération de la parole.
Un message de libération
Au-delà d’un simple récit historique, Houris constitue un puissant appel à l’écoute et à la réconciliation. Kamel Daoud ne se contente pas de relater des événements; il invite à une introspection collective, offrant un espace pour que les voix étouffées puissent émerger. L’œuvre se pose en tant que catalyseur pour libérer le discours autour d’une période touristique que beaucoup souhaitent oublier, mais qui doit être rappelée pour faire avancer la société.
Une réflexion nécessaire
Les enjeux soulevés dans ce roman ne se limitent pas à l’Algérie. Ils touchent des questions universelles de mémoire, d’identité et de vérité. En ce sens, Houris n’est pas seulement une œuvre littéraire, mais un appel à l’humanité à faire face à son passé, à accepter les blessures et à œuvrer pour un futur apaisé.
Kamel Daoud, en tant qu’auteur audacieux et engagé, démontre avec cette victoire que la littérature possède le pouvoir d’éclairer les consciences, de encourager le dialogue et de construire un monde meilleur.
Mots-clés: Kamel Daoud, Houris, prix Goncourt, littérature algérienne, guerre civile, mémoire, réconciliation, récit