Malgré une légère reprise en 2024, les aéroports français continuent de ressentir les effets de la crise sanitaire et des évolutions du marché. Avec une croissance modeste de 3,6 %, le secteur peine à retrouver les niveaux d’avant-pandémie, illustrant une dynamique contrastée. Entre la montée en puissance des compagnies low-cost et les difficultés persistantes des grands hubs régionaux, cette année révèle les défis complexes auxquels fait face l’aviation en France. Alors que le trafic intérieur recule et que les incertitudes fiscales inquiètent, l’avenir du secteur repose sur une adaptation stratégique et un soutien accru pour préserver son rôle économique essentiel.
Le trafic aérien 2024 en France : une croissance modeste mais contrastée
En 2024, le trafic aérien dans les aéroports français, qu’ils soient en métropole ou en Outre-mer, enregistre une hausse modeste de 3,6 % par rapport à 2023. Ce chiffre, bien qu’encourageant, reste en deçà des volumes de 2019, avec une baisse notable de 4 % par rapport à cette période pré-pandémique. Ces statistiques, dévoilées par l’Union des aéroports français (UAF), mettent en lumière un redémarrage encore timide pour un secteur clé de l’économie.
Thomas Juin, président de l’UAF, qualifie l’année 2024 de « contrastée ». Certains aéroports, particulièrement ceux axés sur le trafic low-cost, connaissent une croissance significative, tandis que d’autres peinent à retrouver leur rythme d’avant-crise. Par exemple, Beauvais, qui abrite des compagnies telles que Ryanair, affiche une hausse impressionnante de 64,6 % de passagers depuis 2019. À l’inverse, d’importants hubs régionaux comme Lyon ou Bordeaux continuent de lutter pour se relever.
Ces résultats reflètent les dynamiques variées du secteur. Bien que certains segments, comme les vols à bas coûts, stimulent la reprise, d’autres, notamment le trafic intérieur, restent en difficulté. Cette situation met en évidence la nécessité d’un soutien accru et de politiques adaptées pour permettre un retour à la normale dans l’ensemble du réseau aérien français.
Les compagnies low-cost : moteur de la reprise dans les aéroports français
Les compagnies aériennes low-cost se positionnent comme les grandes gagnantes de la reprise post-Covid. En 2024, elles représentent 44,1 % du trafic aérien en France métropolitaine, contre 35,1 % en 2019. Cette croissance spectaculaire illustre leur rôle central dans la redynamisation des aéroports français, notamment des infrastructures secondaires comme Beauvais, Carcassonne, et Nîmes, où elles dominent presque entièrement l’activité.
Des acteurs majeurs comme Ryanair et easyJet attirent un nombre croissant de voyageurs grâce à des offres compétitives et un réseau étendu. Cette dynamique profite à des aéroports tels que Marseille-Provence, qui a enregistré une hausse de 10 % de son trafic en 2024. Paris-Orly, avec une augmentation plus modeste de 4 %, bénéficie également de cette tendance.
Pourtant, ce modèle n’est pas exempt de menaces. L’alourdissement de la fiscalité aérienne en France inquiète ces compagnies. Certaines envisagent même de réduire leurs opérations ou de se détourner vers d’autres marchés européens moins contraignants. Une telle évolution pourrait fragiliser encore davantage le redressement des aéroports dépendants de ce segment crucial. Les autorités devront trouver un équilibre entre taxation écologique et attractivité pour ces acteurs clés.
Aéroports régionaux en crise : des chiffres qui inquiètent
Si certains aéroports affichent des performances remarquables, d’autres, en particulier les grands aéroports régionaux, traversent une crise inquiétante. Entre 2019 et 2024, des infrastructures majeures comme Lyon-Saint Exupéry (-10,9 %), Bordeaux (-14,4 %), Lille-Lesquin (-18 %) et Toulouse-Blagnac (-18,5 %) ont vu leur trafic chuter de manière significative. Ces chiffres révèlent les séquelles persistantes de la crise sanitaire, qui a bouleversé durablement les habitudes de voyage.
Thomas Juin, président de l’UAF, explique que ces aéroports peinent à se remettre pour plusieurs raisons. D’une part, le recul du trafic intérieur métropolitain, en baisse de 24,8 % depuis 2019, joue un rôle central. D’autre part, la concurrence accrue des alternatives comme le train à grande vitesse (TGV) et les incitations gouvernementales à privilégier le ferroviaire amplifient cette tendance.
Pour ces infrastructures, l’enjeu est de taille. Les pertes de trafic se traduisent par une baisse de revenus et mettent en péril leur viabilité économique. Les aéroports régionaux doivent désormais explorer de nouvelles stratégies, telles que le développement de partenariats internationaux ou la diversification de leurs offres, pour éviter un déclin prolongé.
Pourquoi le trafic intérieur peine à redécoller
Le trafic intérieur en France continue de souffrir, enregistrant une contraction marquée de 24,8 % depuis 2019. Cette tendance inquiétante s’est poursuivie entre 2023 et 2024, avec une nouvelle baisse de 5 %. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène, qui touche particulièrement les vols courts au sein de la métropole.
Tout d’abord, la montée en puissance des outils numériques, tels que les visioconférences, a profondément transformé le marché des voyages d’affaires. De nombreuses entreprises privilégient désormais des solutions virtuelles pour réduire leurs coûts et leur empreinte carbone. Ensuite, les incitations gouvernementales à opter pour des alternatives plus écologiques, comme le train, jouent également un rôle clé. Les lignes à grande vitesse (TGV) offrent une concurrence redoutable aux compagnies aériennes, notamment sur les trajets de moins de 4 heures, où elles sont désormais interdites.
Ces changements posent des défis significatifs pour le secteur aérien. Bien qu’essentiels pour atteindre les objectifs environnementaux, ils fragilisent un segment qui constituait autrefois le pilier de l’aviation domestique. Les professionnels du secteur doivent s’adapter rapidement, en innovant et en misant sur des stratégies durables pour renouer avec la croissance.
Fiscalité aérienne : une menace pour les compagnies low-cost et les aéroports
L’alourdissement de la fiscalité aérienne en France suscite des préoccupations majeures pour les compagnies low-cost et les aéroports qui dépendent fortement de leur activité. Des taxes accrues sur les émissions de CO2, les carburants et d’autres aspects de l’aviation visent à réduire l’impact environnemental du secteur. Cependant, elles pourraient avoir des conséquences économiques non négligeables.
Les compagnies low-cost, qui fonctionnent sur des marges étroites, risquent de voir leurs coûts d’exploitation augmenter considérablement. Ces hausses pourraient se traduire par des tarifs moins compétitifs, rendant la France moins attractive pour ces transporteurs. Déjà, certaines compagnies envisagent de réduire leurs opérations dans le pays ou de se tourner vers des marchés européens moins contraignants.
Pour les aéroports régionaux, l’impact pourrait être encore plus grave. Une réduction des vols low-cost se traduirait par une baisse de fréquentation, aggravant leurs difficultés financières. Cette situation soulève une question cruciale : comment concilier ambitions écologiques et compétitivité économique ? Les autorités doivent impérativement travailler avec les acteurs du secteur pour définir des politiques équilibrées qui soutiennent la transition tout en préservant l’attractivité de l’aviation en France.