Le procès de la société Genavir, une filiale de l’Ifremer, marque un moment clé pour l’industrie maritime française. Accusée de harcèlement, d’agressions sexuelles et de discrimination, l’entreprise se retrouve au cœur d’un scandale d’une ampleur inédite. Les révélations des cinq victimes, anciennes employées à bord des navires, exposent un environnement sexiste profondément enraciné. Ce dossier, qualifié de « MeToo de la marine », soulève des questions cruciales sur la responsabilité de la direction et les pratiques de gouvernance. Découvrez les détails glaçants de cette affaire qui pourrait redéfinir les standards de l’industrie maritime.
Les révélations choquantes du « MeToo de la marine » éclaboussent Genavir
La société Genavir, opératrice de la flotte océanographique française, est au cœur d’un scandale sans précédent qui fait vaciller les bases de l’industrie maritime. Depuis mardi, elle est jugée devant le tribunal correctionnel de Brest pour des accusations graves de harcèlement, agressions sexuelles et discrimination. À l’origine de cette affaire, cinq femmes ayant travaillé à bord des navires témoignent de comportements inappropriés perpétrés par deux hommes. Ces récits accablants donnent naissance à ce que beaucoup appellent désormais le « MeToo de la marine ».
Les faits, survenus entre 2015 et 2019, exposent des pratiques systématiques dans un environnement professionnel opaque. Outre les prévenus, l’entreprise elle-même, ainsi que son ancien dirigeant, sont accusés d’avoir couvert ces actes. Selon une matelote du navire Pourquoi pas, la hiérarchie aurait non seulement été témoin des abus, mais aurait parfois montré une attitude complice ou désinvolte. Ces révélations, profondément choquantes, mettent en lumière un environnement sexiste et maltraitant, jusque-là protégé par le silence.
Victimes et environnement sexiste : un silence enfin brisé
Pour les victimes, les abus vécus à bord des navires de recherche de Genavir ne se limitent pas à des comportements isolés. Ils témoignent d’une culture sexiste profondément ancrée dans cette société. Des blagues graveleuses, des mains aux fesses, et même des soirées où des prostituées étaient invitées montrent l’étendue du problème. Des photos de femmes nues dans les cabines viennent renforcer l’idée d’un climat hostile et humiliant envers les femmes.
Le courage de ces cinq anciennes membres de l’équipage a permis de briser le silence. L’une des victimes a décrit le poids psychologique de ces agressions répétées, amplifiées par l’inaction de la hiérarchie. Ce silence coupable, parfois accompagné de moqueries, démontre un échec structurel à protéger les membres de l’équipage. Les témoignages recueillis au tribunal représentent une étape cruciale pour exposer cet environnement toxique et pour enfin permettre aux victimes de s’exprimer.
Agressions à bord : des témoignages glaçants et leurs séquelles
Les récits des victimes révèlent des actes d’une violence inacceptable. Parmi eux, l’histoire de cette matelote réveillée dans sa cabine en mars 2017 avec le chef mécanicien, Philippe T., allongé sur elle, lui tenant les mains. « Je ne pouvais plus bouger. Une peur primaire s’est installée », a confié la victime au tribunal. Elle a réussi à se dégager en lui assénant un coup au ventre, mais les séquelles psychologiques restent gravées.
Ces témoignages, ponctués par des descriptions de gestes déplacés et d’agressions physiques, montrent l’ampleur du traumatisme subi par ces femmes. Philippe T., poursuivi pour harcèlement et agressions sexuelles, a reconnu les faits tout en affirmant ne pas s’en souvenir, prétextant une alcoolisation excessive. Ces excuses, loin d’atténuer les accusations, soulignent l’urgence de réformer le cadre de vie à bord des navires pour éviter de tels drames à l’avenir.
Une direction pointée du doigt : complicité ou négligence ?
Au-delà des individus impliqués, c’est toute la direction de Genavir qui est mise en cause dans ce procès. L’entreprise, qui avait exprimé son souhait de féminiser le personnel navigant, est accusée d’avoir échoué à prévenir les abus. Les mesures visant à contrer le harcèlement sexuel auraient été insuffisantes et tardives. L’ancien directeur général de la société, quant à lui, affirme n’avoir été informé des faits qu’en juillet 2020. « Si j’avais eu connaissance de ce que j’ai entendu aujourd’hui, j’aurais réagi immédiatement », a-t-il déclaré au tribunal.
Cette défense soulève des interrogations sur la gestion interne de Genavir. La culture de silence autour des agressions est-elle le résultat d’une négligence ou d’une complicité passive ? Les victimes dénoncent une hiérarchie qui aurait parfois minimisé les faits, voire tourné les abus en dérision. Ces accusations, si elles se confirment, pourraient engendrer une remise en question profonde de la gouvernance au sein de l’entreprise.
Alcool à bord : un fléau ignoré au cœur des abus
Un autre élément central de cette affaire est la consommation excessive d’alcool à bord des navires de recherche. Ce fléau, dénoncé par plusieurs victimes, semble avoir joué un rôle déterminant dans la survenance des agressions. L’ancien directeur général de Genavir a déclaré que la limitation de l’alcool à bord avait rencontré une forte résistance de la part des officiers et de la communauté scientifique. Cet aveu met en lumière une culture tolérante vis-à-vis de comportements dangereux.
Dans plusieurs témoignages, l’alcool est présenté comme un facteur déclencheur des abus. L’un des prévenus, Philippe T., a affirmé que son comportement inapproprié était lié à son état d’ébriété avancé. Cette justification ne dédouane en aucun cas les actes commis, mais elle expose une problématique systémique. Pour les experts, réduire la consommation d’alcool à bord pourrait être une première étape vers la création d’un environnement de travail plus sûr et respectueux.
Un verdict attendu pour redéfinir le futur de l’industrie maritime
Le procès en cours représente bien plus qu’une affaire judiciaire. Il pourrait marquer un tournant décisif pour l’industrie maritime, en mettant en lumière la nécessité de réformes structurelles. Le tribunal doit non seulement juger les actes des prévenus, mais aussi évaluer la responsabilité de Genavir en tant qu’entreprise. Le verdict, attendu jeudi, pourrait établir un précédent pour la mise en place de nouvelles politiques de prévention et de protection des victimes.
Pour les observateurs, ce procès est une opportunité de redéfinir les normes de fonctionnement dans un secteur souvent opaque. La justice devra trancher sur la question de la complicité ou de la négligence de la hiérarchie et décider des sanctions à appliquer. Ce verdict sera scruté de près, tant par les acteurs de l’industrie que par les défenseurs des droits des femmes, dans l’espoir de voir émerger un cadre plus inclusif et sécurisé pour les futures générations de navigants.