samedi 19 avril 2025

La Guerre des Grottes : un tabou persistant de la mémoire coloniale

Le volet méconnu et controversé de la guerre d’Algérie resurgit à travers une réalité troublante : l’usage présumé de gaz chimiques par l’armée française dans un contexte de lutte contre les combattants indépendantistes. Cet épisode, marqué par des interventions brutales des sections d’armes spéciales (SAS), met en lumière une facette souvent occultée de la violence coloniale. Alors que les témoignages et les recherches émergent progressivement, il est impératif de revisiter ces pratiques pour mieux comprendre leur impact sur la mémoire collective et les relations franco-algériennes. Plongeons dans cette histoire enfouie et ses implications mémorielles.

Le texte que vous partagez offre un aperçu détaillé des opérations menées par les sections d’armes spéciales (SAS) de l’armée française durant la guerre d’Algérie (1954-1962). Ces sections étaient chargées d’interventions spécifiques, notamment dans les grottes où se réfugiaient les combattants indépendantistes algériens, les « fellaghas ». Ce volet sombre et controversé de la guerre, impliquant l’utilisation de gaz chimiques pour neutraliser les opposants, reste une thématique peu explorée par la recherche historique et souvent occultée dans le discours public en France.

Les opérations des SAS et les témoignages

Les récits évoquent des pratiques brutales, notamment le gazage systématique des grottes, suivi de leur destruction. Ces témoignages sont issus de divers ouvrages, films documentaires et enquêtes, dont certains commencent à émerger dans le paysage médiatique depuis les années 2000. Par exemple :

  • Claude Herbiet et son ouvrage collectif sur les anciens combattants,
  • Jean B. et Jean Vidalenc, anciens membres des SAS,
  • Claire Billet, documentariste qui a consacré plusieurs travaux au sujet, notamment la « Guerre des Grottes » dans XXI et un film en 2025.

Ces témoignages révèlent que les SAS étaient entraînées à Bourges pour manipuler des gaz chimiques, comme l’arsine ou l’aminodichloroarsines, qui provoquaient des brûlures graves et étaient théoriquement interdits par les conventions internationales.

Silence et occultation

Le silence autour de ces exactions est frappant. Plusieurs facteurs expliquent cette omerta :

  • Focalisation sur d’autres formes de violence : Les débats sur la guerre d’Algérie se sont concentrés sur la torture, les exécutions sommaires, les viols et les disparitions, reléguant la guerre chimique au second plan.
  • Rareté des sources : Comme le souligne Nils Andersson, les informations sur les opérations militaires étaient difficiles à confirmer, contrairement aux témoignages de victimes ou aux fuites administratives concernant la torture.
  • Stratégie de déni : Les autorités françaises ont systématiquement démenti l’usage de gaz chimiques ou l’existence de pratiques contraires aux conventions internationales, bien que des documents comme La Pacification d’Hafid Keramane ou Nuremberg pour l’Algérie ! apportent des preuves tangibles.

Paradoxe : Une vérité connue mais ignorée

Alors même que les sections d’armes spéciales étaient mises en avant par des publications militaires, comme le Bled en 1961, leur rôle et leurs actions ont été largement ignorés dans les récits officiels. Cette contradiction entre la reconnaissance officielle et l’absence de jugement illustre une volonté de minimiser ou d’euphémiser les violences coloniales.

Implications historiques et mémorielles

L’absence de condamnation des responsables des violences coloniales a laissé un vide dans le processus de réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie. Comme le souligne Stéphane Audoin-Rouzeau, ce refus de regarder la guerre « de face » empêche une compréhension véritable de son impact sur la société française elle-même.

Conclusion

La question des SAS et des gaz utilisés pendant la guerre d’Algérie constitue un enjeu majeur de mémoire et d’histoire. Il ne s’agit pas seulement de révéler des faits, mais de confronter la société française à ses propres responsabilités dans un conflit colonial dont les cicatrices restent vives, tant en France qu’en Algérie. À l’heure où les témoignages et les recherches commencent à émerger, il est crucial que ce pan obscur de la guerre d’Algérie devienne un sujet central du débat historique et politique.

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