À l’heure où les politiques font de plus en plus attention à leur image publique, le sport s’impose comme un moyen privilégié de communication. De la boxe au tennis en passant par le football, nos dirigeants se mettent en scène dans des activités sportives pour véhiculer des messages de modernité, de démocratisation et parfois même d’engagement. Cet article explore les pratiques sportives des présidents français et analyse ce qu’elles révèlent de leur stratégie de communication et de leur position sociale.
En phase avec la démocratisation du sport
La constance et la sincérité de la pratique sportive n’empêchent cependant pas la communication. De nombreux reportages de l’époque montrent Jacques Chaban-Delmas en plein effort physique. Peu importe le sport pratiqué, cela répond à la démocratisation du sport en France. « C’est un moyen de se montrer comme moderne », explique Michaël Attali, historien du sport et professeur des universités à Rennes-2. Dans un reportage de 1962, Chaban-Delmas est montré en train de s’entraîner dans l’hôtel de Lassay, résidence des présidents de l’Assemblée. Le commentaire du reportage ne laisse pas de doute : « Les murs de ces salons lambrissés (…) acceptent volontiers ce dynamisme quotidien, signe de notre temps. »
La modernité par le sport
Valéry Giscard d’Estaing, quant à lui, se montre en train de faire du ski dans les stations nouvellement développées des années 1960. Bien que les images de sa pratique soient rares, cela symbolise une certaine modernité. François Mitterand, en revanche, préférait le tennis. La légende dit même que c’est lors d’un match avec Jacques Attali, son conseiller, qu’il a ressenti les premières douleurs de son cancer de la prostate. Laurent Fabius, alors Premier ministre de 1984 à 1986, se montrait également sur les courts de tennis.
Question de classe
Le choix du sport pratiqué par les politiques témoigne aussi de leur position sociale. « Certes, le tennis et le ski se démocratisent dans les années 1970, mais pas tant que ça », précise Michaël Attali. Avant les années 1980, cette position sociale n’était pas problématique. « Il y a quarante ou cinquante ans, il était relativement normal que la classe politique appartienne à une certaine élite, avec ses pratiques », dit Philippe Moreau Chevrolet. Aujourd’hui, cependant, la volonté d’égalité radicale entraîne un jugement plus sévère des loisirs des hommes politiques.
Pour cette raison, en 2002, lorsqu’il est devenu Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin a interdit à ses ministres de se montrer à Roland-Garros. Cette « règle » est encore respectée aujourd’hui. Les sports collectifs deviennent donc un moyen de tempérer une image trop bourgeoise. Voir VGE sur un terrain de football à Chamalières, dans le Puy-de-Dôme, en maillot rouge, illustre bien cette idée. « On met en scène un collectif, on se montre en chef d’équipe, rassembleur », décrit Philippe Moreau Chevrolet. Le rugby, bien que moins pratiqué, correspond également à cette image, comme en témoignent les rares mots de François Mitterrand sur les valeurs du rugby.
Endurance et effort
Le football devient presque une obligation pour un politique. « Un politique doit aimer un sport populaire, les performances et les sportifs. Il doit s’associer aux grands moments de communion populaire car c’est son métier », détaille Philippe Moreau Chevrolet. Certains présidents, comme François Hollande, sont de vrais fans. Nicolas Sarkozy, habitué des tribunes du Parc des Princes, et Emmanuel Macron, « supporter fidèle de l’OM », le revendiquent également.
Ces dernières années, les sports individuels ont pris le dessus. Le vélo ou le jogging, par exemple, symbolisent l’ascétisme sportif, demandant un entraînement régulier et une capacité à souffrir. « Un sport individuel, c’est le dépassement de soi, un message de domination et d’accomplissement, une image de leader », ajoute Moreau Chevrolet. Nicolas Sarkozy ne disait pas autre chose dans Le Figaro en 2018 : « J’aime transpirer, j’aime l’effort au long cours. J’aime travailler la volonté, me dépenser et utiliser le surcroît d’énergie. »
Les duels médiatiques
Souvenons-nous aussi de la bataille de running entre Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et Dominique de Villepin, alors Premier ministre, lors des universités d’été de l’UMP à La Baule en 2005. Plus loin dans le temps, Maurice Herzog et Pierre Mazaud, deux figures du gaullisme souvent ministres et députés, étaient de grands alpinistes avant leur carrière politique.
Viriliste
Les sports de combat ont récemment gagné en popularité. Emmanuel Macron s’est laissé photographier, veines saillantes, avec des gants de boxe lors d’une séance d’entraînement. Ce décorum de la virilité et de la masculinité est en place. Édouard Philippe, ancien Premier ministre, a également pratiqué la boxe pendant son mandat, et même après, pour montrer qu’il était toujours en forme malgré son alopécie. Valérie Pécresse a aussi pratiqué ce sport.
L’âge du capitaine est un facteur déterminant. En 1981, François Mitterrand avait presque 65 ans, Jacques Chirac en avait 63 en 1995. La donne change avec Nicolas Sarkozy, 54 ans en 2007, François Hollande, 57 ans en 2012, et encore plus avec Emmanuel Macron, 39 ans en 2017. Macron s’est montré dans diverses pratiques : football, jet-ski, ski, vélo, et boxe, montrant une pluralité d’activités physiques, tant individuelles que collectives.