Coopération entre l’Inde et les États-Unis dans une affaire d’assassinat
L’Inde s’est engagée à coopérer avec les Etats-Unis, qui poursuivent un ressortissant indien suspecté d’avoir commandité le projet d’assassinat contre un dirigeant séparatiste sikh à New York, alors qu’une affaire similaire a récemment provoqué un incident diplomatique avec le Canada.
Le ministère de la justice américain a annoncé, mercredi 29 novembre, poursuivre un ressortissant indien, Nikhil Gupta, pour un projet d’assassinat contre un dirigeant séparatiste sikh à New York, à l’instigation d’un agent de New Delhi. Réagissant à ces propos, le ministère des affaires étrangères indien a alors déclaré que New Delhi avait « formé, le 18 novembre, une commission d’enquête de haut niveau » après avoir été informé par les Etats-Unis de « connexions entre des organisations criminelles, des trafiquants d’armes, des terroristes et d’autres ». « Le gouvernement indien prendra les mesures nécessaires sur la base des conclusions de la commission d’enquête », a assuré le porte-parole du ministère, Arindam Bagchi.
Cette réaction contraste fortement avec la réponse furieuse de l’Inde en septembre, lorsque le Canada avait incriminé son service de renseignements pour le meurtre sur son sol, le 18 juin, d’un dirigeant sikh, Canadien d’origine indienne, Hardeep Singh Nijjar. Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, avait suggéré l’implication des autorités indiennes dans cet assassinat et avait appelé « le gouvernement indien à collaborer » pour « faire la lumière » sur l’affaire. L’Inde avait alors dénoncé des accusations « absurdes », et une crise diplomatique entre les deux pays s’était ensuivie.
Si l’Inde se montre cette fois beaucoup plus coopérative, certains observateurs, comme le journaliste Shubhajit Roy, craignent que ce nouvel incident ne « ternisse » ses relations-clés avec Washington. « La profondeur de ses liens stratégiques avec les Etats-Unis lui donne une certaine marge de manœuvre, mais New Delhi a du pain sur la planche », écrit-il dans The Indian Express.
Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, avait prévenu en septembre, après l’incrimination de l’Inde par le Canada, que les Etats-Unis étaient « extrêmement vigilants dès lors qu’existent des allégations d’une répression transnationale ». Il faisait référence à la répression exercée par des régimes autoritaires sur leurs citoyens hors de leurs frontières, apparue au grand jour lors de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul en octobre 2018.
Ces événements mettent à mal les efforts du premier ministre indien, Narendra Modi, hôte récent du G20, pour redorer son blason sur la scène internationale. « Cela crée une plus grande méfiance à l’égard de Modi », déclare à l’Agence France-Presse (AFP) Hartosh Singh Bal, rédacteur en chef du magazine The Caravan, pour qui le partage de renseignements avec New Delhi va en souffrir. « L’Inde est accusée de comportement voyou qui rendra ses alliés peu enclins à faire confiance à des dirigeants prêts à agir ainsi », poursuit-il.
Selon l’acte d’accusation rendu public par le ministère de la justice américain, un agent du gouvernement indien aurait recruté Nikhil Gupta, impliqué dans des trafics de drogue et d’armes, pour faire assassiner « la victime », en échange de l’abandon de poursuites pénales contre lui. M. Gupta, arrêté le 30 juin en République tchèque, a été inculpé pour avoir commandité un meurtre, « en lien avec sa participation à un complot déjoué visant à assassiner un citoyen américain » d’origine indienne à New York.
Si le ministère n’a pas cité nommément la cible présumée, le Financial Times l’a identifiée comme étant Gurpatwant Singh Pannun, avocat fondateur de l’organisation américaine Sikhs for Justice qui revendique un Etat indépendant sikh dans le nord de l’Inde. Désigné comme « terroriste » par New Delhi en 2020, il est recherché pour « terrorisme et sédition ».
Pour M. Kugelman, à la différence du Canada qui « a rendu publiques ses allégations », les Etats-Unis, en revanche, « les ont gérées en silence et en privé ». En outre, « les allégations du Canada ne reposaient pas sur des preuves solides, alors qu’aux Etats-Unis, il existe un acte d’accusation non scellé contenant de nombreux détails », rapporte-t-il.