lundi 16 juin 2025

Exploitation des terres rares sous-marines : une menace ou un atout ?

Les terres rares, indispensables à nos technologies modernes, suscitent un intérêt croissant pour leur extraction sous-marine. Cependant, cette quête effrénée soulève des interrogations cruciales : peut-on réellement exploiter ces ressources sans menacer les écosystèmes marins ? Entre enjeux économiques et préoccupations environnementales, le débat s’intensifie, alimenté par des décisions géopolitiques contrastées et des découvertes scientifiques fascinantes. Cet article explore les défis liés à l’exploitation des fonds marins, leur impact sur la biodiversité et les mesures nécessaires pour concilier ambitions industrielles et préservation de ces sanctuaires naturels. Plongeons ensemble dans les abysses où se dessinent les enjeux du futur.

Protéger les fonds marins : un moratoire international en marche

Alors que le sommet sur les océans s’est récemment achevé, trente-sept pays ont pris une position ferme en faveur d’un moratoire international sur l’exploitation minière des fonds marins. Cette décision marque un tournant crucial dans la préservation des écosystèmes marins, considérés comme des sanctuaires encore largement inexplorés. Selon Pascale Joannot, océanographe et présidente du conseil scientifique de la Fondation de la mer, « nous connaissons mieux la surface de la Lune que les abysses marins à 11 kilomètres de profondeur, comme la fosse des Mariannes. »

Ce moratoire, bien que salué par les scientifiques, arrive dans un contexte où les ambitions économiques et industrielles mettent en péril ces environnements fragiles. L’objectif principal est de permettre aux chercheurs de mieux comprendre ces écosystèmes complexes avant toute forme d’exploitation. Avec seulement 5 % des fonds marins cartographiés et une biodiversité largement inconnue, le consensus scientifique pointe vers une approche prudente.

Le moratoire pourrait également servir de cadre pour définir des règles internationales strictes et empêcher l’exploitation anarchique des ressources sous-marines. En protégeant les grands fonds marins, les signataires souhaitent non seulement préserver les écosystèmes, mais aussi garantir que ces zones restent un patrimoine commun de l’humanité.

Les États-Unis à contre-courant du droit international

Malgré les appels croissants à la préservation des fonds marins, les États-Unis, sous l’administration de Donald Trump, ont pris une direction opposée. En avril dernier, un décret présidentiel a été signé, facilitant l’exploitation minière dans les eaux nationales et internationales. Cette décision, en violation des directives de l’Autorité internationale des fonds marins, soulève de vives inquiétudes.

En effet, les grands fonds marins situés au-delà des juridictions nationales sont considérés comme le patrimoine commun de l’humanité. Cependant, les États-Unis, qui ne sont pas membres de cette autorité onusienne, s’appuient sur une logique économique pour justifier leur position. Des entreprises comme The Metals Company se sont déjà engagées dans cette direction en soumettant des demandes d’exploitation commerciale.

Cette initiative américaine risque de créer un précédent dangereux, compromettant les efforts internationaux pour une gouvernance responsable des océans. Elle met également en lumière les tensions géopolitiques liées à la course aux ressources stratégiques. Alors que d’autres nations plaident pour un moratoire, les États-Unis se trouvent à contre-courant, fragilisant les bases du droit international environnemental.

Les trésors cachés des océans : des ressources pour le futur

Les fonds marins abritent des trésors insoupçonnés, parmi lesquels des métaux cruciaux pour les technologies modernes et la transition énergétique. Zinc, cobalt, cuivre, manganèse et terres rares s’y trouvent en abondance relative, attirant l’attention des industries minières. Ces ressources sont essentielles à la fabrication de batteries pour voitures électriques, de panneaux photovoltaïques et d’autres technologies de pointe.

Un des principaux arguments avancés pour leur exploitation est la diversification des sources d’approvisionnement. Aujourd’hui, 70 % des terres rares mondiales proviennent de la Chine, ce qui accentue la dépendance des économies occidentales. Pour les États-Unis, par exemple, la création d’une chaîne d’approvisionnement locale est devenue un enjeu stratégique. Les gisements sous-marins offrent ainsi une alternative prometteuse pour réduire cette dépendance.

Cependant, ces perspectives économiques doivent être mises en balance avec les impacts environnementaux potentiels. Les fonds marins ne sont pas seulement une ressource pour le futur, mais également un réservoir inestimable de biodiversité, dont l’équilibre pourrait être perturbé par des activités extractives non réglementées.

Secrets des abysses : nodules polymétalliques et métaux rares

Les abysses marins recèlent des formations géologiques uniques comme les nodules polymétalliques et les encroûtements métallifères, véritables trésors de métaux rares. Ces nodules, situés entre 4.000 et 6.000 mètres de profondeur, ressemblent à des « perles de métal » formées par concrétion sur des millions d’années. Ils contiennent des concentrations significatives de nickel, cuivre, cobalt et terres rares.

Ces formations attirent de plus en plus l’attention des entreprises minières en raison de leur potentiel économique. Par exemple, dans la zone de Clarion-Clipperton, dans le Pacifique Nord, on estime que 34 millions de tonnes de nodules pourraient être extraites. Les encroûtements cobaltifères, formés sur des monts sous-marins, représentent également une ressource précieuse avec des concentrations en cobalt et terres rares bien qu’inférieures à celles des gisements terrestres.

Malgré leur attrait économique, ces structures sont extrêmement vulnérables. Leur extraction pourrait causer des dommages irréversibles à des écosystèmes marins encore largement inconnus. Les scientifiques appellent donc à une évaluation approfondie des impacts environnementaux avant toute exploitation à grande échelle.

Exploitation des fonds marins : un danger pour la biodiversité

L’exploitation minière des fonds marins pose une menace directe à la biodiversité des océans. Ces écosystèmes, souvent isolés et fragiles, abritent des organismes adaptés à des conditions extrêmes. Leur destruction pourrait entraîner la disparition irréversible d’espèces inconnues, dont certaines pourraient jouer un rôle crucial dans les cycles écologiques globaux.

Par exemple, la récolte des nodules polymétalliques engendre des nuages de sédiments sous-marins susceptibles d’étouffer les organismes environnants. De plus, le bruit et les vibrations générés par les équipements miniers perturbent la faune marine. Avec seulement 5 % des grands fonds cartographiés, l’impact écologique potentiel reste largement imprévisible, mais les premiers indicateurs sont alarmants.

Au-delà de la biodiversité, ces écosystèmes contribuent également au stockage du carbone. Leur perturbation pourrait accélérer les changements climatiques en libérant du dioxyde de carbone retenu dans les sédiments. Ainsi, les scientifiques plaident pour une approche précautionneuse, soulignant le rôle vital des fonds marins dans l’équilibre environnemental global.

Un appel urgent à stopper l’exploitation des grands fonds

Face aux risques environnementaux et aux incertitudes scientifiques, de nombreux experts et ONG appellent à un moratoire immédiat sur l’exploitation minière des grands fonds marins. Des chercheurs, comme ceux du CNRS et de l’Ifremer, recommandent une pause de dix à quinze ans pour approfondir les connaissances sur ces écosystèmes complexes.

En l’absence de données suffisantes, toute activité minière pourrait avoir des conséquences irréversibles. Le principe de précaution doit primer, d’autant plus que ces milieux jouent un rôle clé dans la régulation climatique et l’équilibre des écosystèmes marins. Les appels à stopper l’exploitation s’intensifient, notamment lors d’événements comme le sommet sur les océans, où des pays et des organisations plaident pour une gestion responsable des ressources marines.

L’objectif n’est pas seulement de préserver les écosystèmes, mais aussi de garantir un usage équitable et durable des ressources marines pour les générations futures. Le message est clair : il est urgent de mettre en place une gouvernance internationale forte et unifiée pour protéger les trésors inestimables des abysses.

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