samedi 14 juin 2025

Pourquoi les États-Unis ont abandonné les défilés militaires ?

Dans un pays où les parades militaires n’ont jamais été une tradition enracinée, l’idée d’un défilé spectaculaire à l’américaine soulève des questions autant qu’elle intrigue. Pourquoi l’armée des États-Unis, pourtant l’une des plus puissantes au monde, a-t-elle longtemps évité ces démonstrations de force publiques ? En explorant les racines historiques, les enjeux logistiques et les implications politiques de cette absence, cet article propose une analyse approfondie d’un sujet qui divise l’opinion. Découvrez comment cette pratique, pourtant courante dans d’autres grandes puissances comme la France ou la Chine, s’inscrit dans le paysage culturel et politique américain.

Pourquoi les États-Unis n'embrassent pas les défilés militaires grandioses

Aux États-Unis, les défilés militaires grandioses sont loin d’être une tradition, contrairement à des nations comme la France, la Chine ou la Russie. Cette absence s’explique par une combinaison de facteurs culturels, pratiques et politiques. Historiquement, les Américains associent ces démonstrations de force aux régimes autoritaires, un parallèle que beaucoup souhaitent éviter dans une démocratie où l’armée est perçue comme apolitique. Heather Cox Richardson, historienne reconnue, souligne que les États-Unis préfèrent des célébrations patriotiques qui mettent l’accent sur les citoyens plutôt que sur la puissance militaire.

Les aspects logistiques jouent également un rôle clé. Faire défiler des chars lourds comme les Abrams, pesant plus de 60 tonnes, dans les rues de Washington implique des coûts énormes, notamment pour réparer les dégâts aux infrastructures. Après le défilé de 1991 célébrant la victoire dans la guerre du Golfe, les routes de la capitale avaient dû être repavées, entraînant une dépense massive pour le gouvernement.

Enfin, l’image internationale des États-Unis entre en jeu. À l’heure où le pays se positionne comme un leader mondial de la démocratie, ces parades pourraient être perçues comme une contradiction, brouillant le message de liberté et de droits humains qu’il promeut. Cette confluence d’éléments contribue à expliquer pourquoi les États-Unis s’abstiennent de tels événements spectaculaires.

Quand Donald Trump rêve d’un 14 juillet à l’américaine

En 2017, lors de sa visite à Paris pour assister au défilé du 14 juillet, Donald Trump a été impressionné par la grandeur de l’événement. Invité par Emmanuel Macron pour marquer le centenaire de l’entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale, il y a vu un modèle à reproduire sur le sol américain. Pour Trump, ce mélange de solennité militaire et de patriotisme semblait incarner une célébration idéale des forces armées.

Cependant, Trump n’a retenu que l’aspect show militaire de la célébration française. Il a ignoré l’essence républicaine et historique de l’événement, qui célèbre aussi la prise de la Bastille et les valeurs de la Révolution française : liberté, égalité, fraternité. Pour Trump, la parade militaire représente avant tout une démonstration de force et un spectacle visuel à destination du public.

En revenant à Washington, il a rapidement exprimé son désir d’organiser une version américaine du 14 juillet. « Nous allons faire la même chose, mais en mieux », a-t-il déclaré sur Twitter. Mais ce projet a été confronté à de nombreuses résistances, autant sur le plan culturel que logistique. Malgré cela, l’idée d’un défilé militaire massif n’a jamais quitté son esprit, reflétant son attrait pour les symboles de puissance nationale.

Une parade spectaculaire pour célébrer l’anniversaire de Trump

Le défilé prévu le 14 juin 2025 s’annonce comme un événement sans précédent dans l’histoire récente des États-Unis. Prévu pour coïncider avec l’anniversaire de Donald Trump et la fondation de l’armée américaine, il mobilisera près de 7 000 militaires, des dizaines de véhicules blindés et une flotte aérienne impressionnante. Cette démonstration de force est conçue pour marquer les esprits, avec une attention particulière portée au détail et à l’esthétique.

Les plans incluent 28 chars Abrams, 28 véhicules Stryker, un bombardier B-25 et 50 hélicoptères, sans oublier les célèbres parachutistes de l’équipe des Golden Knights. Ces derniers atterriront devant la Maison-Blanche avec un drapeau symbolique. Tout dans cette parade est calibré pour impressionner, évoquant un film hollywoodien plus qu’un simple événement militaire.

Cependant, ce faste suscite des interrogations. Pourquoi organiser un tel événement maintenant, alors que l’armée américaine traverse une crise de recrutement et que des enjeux budgétaires pèsent lourdement sur les finances publiques ? Pour Trump, cette parade est autant une célébration de l’armée qu’un moyen de renforcer son image personnelle de leader fort et patriote.

Une nation divisée face à un événement controversé

Le défilé du 14 juin ne fait pas l’unanimité aux États-Unis. Si certains voient dans cet événement une occasion de célébrer l’armée et le patriotisme, d’autres y voient une tentative de politisation des forces armées. Cette confusion entre hommage militaire et glorification présidentielle divise profondément le pays.

Pour les détracteurs, cette parade détourne l’attention des véritables besoins de l’armée. La question clé est posée par l’experte Risa Brooks : « Est-ce que l’armée célèbre Donald Trump ou est-ce l’inverse ? ». L’idée que les forces armées soient utilisées comme un outil politique inquiète de nombreux citoyens, en particulier ceux attachés à l’idéal d’une armée apolitique.

Historiquement, les États-Unis ont évité de telles démonstrations depuis la fin de la Guerre froide, en partie pour éviter d’alimenter des tensions internes. Aujourd’hui, cette parade semble raviver ces divisions, opposant partisans et opposants dans un débat sur les valeurs fondamentales du pays.

Le défi du « No Kings Day » face à la démonstration de force

En parallèle du défilé militaire, un mouvement de contestation baptisé « No Kings Day » prend de l’ampleur. Avec plus de 1 500 manifestations prévues dans tout le pays, ce mouvement vise à dénoncer ce qu’il perçoit comme une mise en scène monarchique financée par l’argent public. Son slogan est clair : « Pas de trônes. Pas de couronnes. Pas de rois. »

Les organisateurs insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une critique envers l’armée, mais d’une défense de la démocratie. Leur stratégie est marquée par un choix symbolique : aucune manifestation n’aura lieu à Washington, la capitale étant laissée à la parade officielle. Au lieu de cela, les protestations se concentrent dans les villes moyennes, reflétant une volonté de reconnecter le débat à la base citoyenne.

Ce mouvement trouve un écho particulier dans un contexte de tensions sociales exacerbées, notamment après la répression des manifestations contre les expulsions migratoires à Los Angeles. Il illustre le mécontentement croissant face à des décisions perçues comme éloignées des priorités réelles du peuple.

Affluence et popularité : l’enjeu caché d’un spectacle politique

Au-delà des considérations patriotiques, la question de l’affluence semble être une obsession pour Donald Trump. Connu pour accorder une grande importance à la taille des foules lors de ses événements, ce défilé est aussi une bataille symbolique pour asseoir sa popularité. Chaque détail, de la chorégraphie militaire au choix des véhicules, est pensé pour impressionner le public et les médias.

Cependant, le succès d’un tel événement ne se mesure pas uniquement en termes de spectateurs. Il s’agit également d’un test politique pour l’ancien président, alors que des élections cruciales se profilent à l’horizon. La parade est l’occasion de renforcer son image de « commandant en chef » et de rallier sa base électorale autour de valeurs de fierté nationale.

Mais cet enjeu cache aussi une autre réalité : le besoin de combler un fossé croissant entre civils et militaires. Avec moins de 0,5 % des Américains servant actuellement dans l’armée, cette démonstration vise à reconnecter le public avec les forces armées. Un objectif ambitieux qui, toutefois, reste terni par les divisions et les controverses entourant l’événement.

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