Le 1er décembre 2024, un hommage poignant a été rendu aux tirailleurs sénégalais au cimetière militaire de Thiaroye, où reposent ceux qui ont tragiquement perdu la vie le 1er décembre 1944. Cet événement, marqué par la présence des autorités sénégalaises et de plusieurs chefs d’État africains, s’inscrit dans une volonté de mémoire et de justice envers ces héros, victimes d’une répression brutale pour avoir réclamé leurs salaires. Le président Bassirou Diomaye Faye a souligné l’importance de se souvenir et d’accéder aux archives sur cet acte colonial.
Ce jour-là, la banlieue de Dakar a vibré d’une émotion particulière : le cimetière militaire de Thiaroye est le lieu de mémoire où reposent bon nombre des tirailleurs africains tués par l’armée française. Le 1er décembre 1944, ces hommes ont été abattus pour avoir osé réclamer le paiement de leurs soldes alors qu’ils avaient sacrifié leur vie pour la libération. Le président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, a voulu faire de cette commémoration un symbole fort de sa politique mémorielle, rendant hommage à ceux qui ont contribué à l’histoire coloniale. Il a ainsi déclaré : « Les héros africains qui ont contribué à écrire dans le sang et la sueur, la glorieuse histoire de la libération, ont hélas, été victimes d’un acte prémédité visant à perpétuer l’ordre colonial »
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Une commémoration nationale et régionale
Pour donner une portée plus large à cet hommage, les nouvelles autorités sénégalaises ont invité de nombreux chefs d’État africains. Des représentants de la Mauritanie, de la Guinée-Bissau, de la Gambie et du Gabon étaient présents, témoignant d’une solidarité régionale autour de cette mémoire tragique. En revanche, les autorités putschistes des pays voisins tels que la Guinée, le Mali ou le Burkina Faso, souvent considérés comme des terres d’origine des tirailleurs, étaient absentes. Côté français, alors qu’Emmanuel Macron était absent, il a été représenté par son ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, soulignant le lien complexe et souvent tendu entre la France et ses anciennes colonies.
Un tournant dans la politique mémorielle sénégalaise
À peine deux jours avant cette commémoration, Bassirou Diomaye Faye avait dévoilé son intention de modifier la relation historique du Sénégal avec la France, annonçant dans un entretien au Monde le départ imminent des soldats français présents depuis l’indépendance. Cet élan s’est accompagné de la rupture des accords de défense avec la France par le Tchad, illustrant une dynamique de prise de distance de plusieurs pays africains vis-à-vis de la France. Cependant, lors de l’hommage, le président sénégalais a choisi de s’en tenir à l’importance du « devoir de mémoire et de vérité », tout en réitérant sa demande d’accès aux archives concernant cet épisode tragique, qu’il a décrit comme une « omerta » imposée par l’autorité coloniale.
Reconnaissance historique et implications futures
Le chef de l’État a également salué le « courage moral » de Macron, pour avoir qualifié cet épisode de « massacre ». Cette reconnaissance, bien qu’importante, soulève de nombreuses questions sur le passé colonial français. En 2012, l’ancien président François Hollande avait utilisé le terme de « répression sanglante ». Jean-Noël Barrot, premier représentant français à prendre la parole après Faye, a souligné que cette reconnaissance n’est pas seulement un acte de mémoire, mais également un moyen pour la France de préserver son honneur face à cette « plaie béante dans notre histoire commune ».
Ces événements mettent en lumière la nécessité d’un dialogue ouvert sur les actions du passé colonial qui ont laissé des cicatrices profondes dans la mémoire collective. Alors que les commémorations se poursuivent, la question de l’accès aux archives et de la reconnaissance officielle de ces tragédies demeure un enjeu central dans les relations franco-africaines.
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