Une décision inquiétante a été prise concernant la présence humanitaire au Niger. Le gouvernement militaire en place a ordonné le départ immédiat du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dont le bureau à Niamey a fermé ses portes le 4 février. Cette annonce survient alors que la junte renforce sa position sur la souveraineté nationale, en rejetant des organisations qu’elle soupçonne de soutenir des éléments hostiles à son pouvoir, laissant les ONG et l’aide humanitaire dans l’incertitude.
Les tensions montent au Niger, où la junte militaire, en fonction depuis juillet 2023, a resserré son emprise sur le pays. Après avoir mis fin aux accords établis avec le CICR, le gouvernement a exigé le départ des employés expatriés, sans fournir d’explication. Cette décision, confirmée par le média local Aïr Info, a déjà provoqué le départ de certains expatriés, soulignant la détérioration du climat d’opération pour les organisations humanitaires.
Un contexte politique en mutation
Le régime militaire du Niger a fait de la préservation de sa souveraineté un principe fondamental. Dans cette optique, il a déjà expulsé les militaires français et américains présents pour lutter contre le terrorisme, et a également chassé des ambassadeurs européens. Le ministre de l’intérieur, le général Mohamed Toumba, a récemment évoqué des « mesures importantes » pour surveiller les ONG, suspectant certains groupes d’entretenir des liens avec des acteurs hostiles. Il a déclaré : « Nos enquêtes ont permis de découvrir qu’il y a beaucoup d’ONG qui sont en accointance avec ces partenaires qui nous portent la guerre, à travers des missions de subversion. »
Cette déclaration révèle une volonté de la junte d’assainir le secteur humanitaire en le soumettant à un contrôle rigoureux.
Une présence humanitaire historiquement ancrée
Le CICR, qui opérait au Niger depuis 1990, avait pour mission de venir en aide à des millions de personnes affectées par les conflits et l’insécurité, notamment dans les régions du Liptako-Gourma et du bassin du lac Tchad. Ces zones sont particulièrement touchées par les assauts de groupes armés affiliés à l’Etat islamique et à Al-Qaida, ayant causé des milliers de morts et de déplacements de population. Le 4 février, dix soldats ont été tués dans une embuscade, illustrant la gravité de la situation. Malgré cela, le Niger continue de recevoir un soutien international, comme avec le Fonds Monétaire International qui a récemment signé un accord de décaissement de 43 millions de dollars.
Les conséquences d’une stratégie de rupture
Avec l’éloignement du CICR, le Niger se retrouve face à des préoccupations croissantes concernant l’assistance humanitaire. La fermeture de cette organisation laisse présager une réduction des aides essentielles pour les populations vulnérables, surtout dans un contexte où la violence s’intensifie. La suppression des bureaux du CICR pourrait également entraver l’accès aux ressources pour les programmes d’urgence, alors même que le pays est confronté à une crise humanitaire exacerbée par des conflits prolongés. La junte semble privilégier la restriction de la présence étrangère au détriment de l’aide nécessaire :
Vers une force commune dans le Sahel
Dans cette dynamique d’isolement, le Niger annonce la formation d’une force commune avec ses voisins, le Burkina Faso et le Mali, tous touchés par les mêmes violences. Cette alliance, se définissant comme l’Alliance des Etats du Sahel, vise à unir les efforts pour combattre le terrorisme dans la région en rassemblant 5 000 soldats. À travers cette démarche, la junte renforce son image de souveraineté tout en s’aliénant potentiellement les soutiens occidentaux, ce qui pourrait avoir des répercussions sur la stabilité à long terme du pays.
Alors que la situation évolue rapidement, le Niger se retrouve dans une impasse. La combinaison d’une méfiance croissante envers les ONG et d’une exigence de souveraineté sans compromis pourrait priver de nombreuses personnes de l’assistance vitale dont elles ont besoin. Le paysage humanitaire s’assombrit, tandis que le pays tente de maintenir un équilibre entre indépendance politique et nécessité d’aide face à une crise qui ne montre aucun signe de répit.
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