Le premier ministre marocain, Aziz Akhannouch, a récemment présenté les résultats saisissants d’une amnistie fiscale mise en place par son gouvernement. Cette initiative a permis de déclarer plus de 100 milliards de dirhams, soit 9,6 milliards d’euros, de richesses non déclarées, un montant sans précédent dans l’histoire des amnisties fiscales au Maroc. Bien que ce chiffre impressionnant ne rapporte que 5 milliards de dirhams dans les caisses de l’État, il met en lumière la problématique de la fraude fiscale et l’importance de régulariser l’économie informelle du pays.
Le 1er janvier 2024, un bilan informel établi par la presse marocaine a révélé que l’amnistie fiscale de 2024, une mesure phare proposée par le gouvernement libéral d’Aziz Akhannouch, a incité plus de 10 000 contribuables à se manifester. Ce succès a été facilité grâce à un taux d’imposition réduit de seulement 5 % sur les sommes déclarées, comparé au taux normal de 37 % prévu pour 2025. Ce contexte a provoqué une véritable ruée vers les guichets du fisc, avec des ouvertures exceptionnelles pendant le week-end du 28 et 29 décembre dernier.
Les défis de la régularisation fiscale
Les chiffres fascinants présentés montrent que cette amnistie a permis de déclarer des actifs d’une valeur de plus de 100 milliards de dirhams. Pour mettre cela en perspective, cela représente un quart de l’argent liquide en circulation au Maroc, qui est estimé à environ 430 milliards de dirhams par la banque centrale. Les dépôts bancaires à eux seuls compteraient 60 milliards de dirhams, tandis que des opérations immobilières et des contributions supplémentaires des associés complètent ce tableau. Toutefois, malgré ce montant impressionnant, les recettes fiscales générées par cette amnistie ne devraient se chiffrer qu’à 5 milliards de dirhams.
Un phénomène révélateur
Les résultats de l’amnistie fiscale mettent en exergue une accumulation significative de liquidités qui a débuté dès 2020. Cette période a coïncidé avec des aides financières en espèces attribuées à plus de 4 millions de familles durant la pandémie de COVID-19. L’économiste Lhoucine Bilad souligne que la crainte d’éventuels redressements fiscaux a poussé de nombreux commerçants à domicilier leurs avoirs en banque, préférant éviter les amendes potentielles. Ainsi, l’inflation et l’augmentation des contrôles fiscaux ont également contribué à cette hausse des liquidités.
L’enjeu de la confiance des citoyens
Cette opération de régularisation met en lumière les frustrations d’une partie de la population face à un système perçu comme manquant de transparence. L’économiste Mehdi Lahlou souligne que cette situation s’explique par une méfiance enracinée envers l’administration et une absence de retour sur l’investissement fiscal, notamment en matière d’éducation et de santé. Actuellement, près de 15 % des élèves sont scolarisés dans le secteur privé, tandis qu’un tiers des lits d’hôpital sont occupés par des cliniques privées, ce qui soulève des questions sur l’utilisation des fonds collectés par l’État.
En somme, bien que l’amnistie fiscale de 2024 ait permis des résultats impressionnants en matière de régularisation, elle ne résout pas les défis structurels auxquels le Maroc doit faire face. Pour restaurer la confiance des citoyens, le gouvernement devra démontrer une gestion efficace et responsable des ressources générées par cette opération.
Mots-clés: amnistie fiscale, Maroc, Aziz Akhannouch, fraude fiscale, économie informelle, confiance des citoyens