L’assaut contre l’État fédéral a débuté bien avant le retour officiel de Donald Trump à la Maison Blanche. En désignant, une semaine après son élection, Elon Musk — le milliardaire reconnu pour son influence aux États-Unis et à la tête des entreprises Tesla, SpaceX et X — à la tête d’une commission chargée de « démanteler la bureaucratie gouvernementale », Trump a de fait lancé les hostilités. Ce mouvement s’inscrit dans une continuité républicaine bien établie. Si les motivations de ce combat ont pu évoluer au fil des ans, l’objectif demeure constant : s’opposer à l’héritage politique rooseveltien, qui a favorisé l’expansion de l’État fédéral en réaction à la Grande Dépression et à la Seconde Guerre mondiale. Initialement, les républicains avaient fini par accepter cette évolution avant de s’engager dans ce que le Parti démocrate qualifie de croisade réactionnaire.
Cette croisade a été amorcée il y a soixante ans par le sénateur conservateur de l’Arizona, Barry Goldwater, lors de sa campagne présidentielle de 1964. Malgré sa défaite écrasante face au président démocrate Lyndon Johnson, Goldwater a introduit un discours qui a marqué le début du réveil de la droite américaine, plaidant pour « la liberté sous un gouvernement limité par les lois de la nature et du Dieu de la nature. » Dans son discours d’acceptation de l’investiture républicaine, il a dénoncé les menaces posées par un État trop puissant. « Ceux qui élèvent l’État et dévalorisent le citoyen doivent voir en fin de compte un monde dans lequel le pouvoir terrestre peut être substitué à la volonté divine. Or, cette nation a été fondée sur le rejet de cette notion et sur l’acceptation de Dieu en tant qu’auteur de la liberté, » affirmait-il. Ce discours posait déjà les bases d’une thèse sur un « déclin moral » et une « dérive » américaine.
La renaissance républicaine s’organise alors autour de deux volets. Le premier est spirituel, incarné par la Moral Majority, fondée en 1979 par le pasteur ultraconservateur Jerry Falwell, qui rompt avec la tradition d’une séparation stricte entre la religion et la politique. Le second est idéologique, marqué par l’émergence de The Heritage Foundation, un think tank fondé en 1973. Ces initiatives portent leurs fruits en 1980, avec l’élection de Ronald Reagan, qui place la lutte contre l’État fédéral au centre de son mandat. « Les huit mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont : “je suis du gouvernement et je viens vous aider” », déclare le républicain, illustrant son rejet des interventions de l’État. La dimension spirituelle de cette croisade s’estompe au profit de considérations économiques dans le contexte de la crise engendrée par le second choc pétrolier. Reagan se positionne alors comme le candidat de la réduction de l’État. « Le gouvernement dépense tous les impôts qu’il perçoit. Si nous réduisons les impôts, nous réduirons les dépenses, » affirme-t-il. Sa politique s’accompagne de coupes dans les programmes sociaux de la « Great Society », initiée par Lyndon Johnson, jugés inefficaces, et d’une déréglementation à grande échelle.
Mots-clés: Donald Trump, État fédéral, Barry Goldwater, Ronald Reagan, croisade réactionnaire