Dans l’atmosphère obscure de l’Académie française un soir de janvier 1972, l’écrivain Roger Caillois révèle son côté diabolique. En effet, au moment de son discours de réception, une panne d’électricité plonge le quai Conti dans l’obscurité. Sous la Coupole, seule la lueur des bougies permet de distinguer l’ombre fantomatique de Caillois. Cette scène, presque surnaturelle, révèle une facette sombre de l’intellectuel.
Amateur des mystères du réel, Caillois, agrégé de grammaire et phénoménologue de l’imagination, ne craint pas de provoquer des tensions institutionnelles par son éclectisme. Dès les années 1930, il revendique un aspect « luciférien » au Collège de sociologie, se distinguant ainsi du « satanisme » de Georges Bataille. Cette attitude conquérante et mystique inspire ses écrits, parfois sulfureux comme dans « Le Vent d’hiver » (1938), teinté de pensées nietzschéennes provocantes.
Malgré des prises de position ambiguës, voire dangereuses, notamment lors de sa querelle avec Lévi-Strauss dans les années 1950, Caillois demeure un fervent antifasciste, anticolonialiste et passionné par les cultures non occidentales. Sa biographie laisse transparaître un esprit en recherche perpétuelle d’une totalité sans totalitarisme, habité par une fascination ambiguë pour le sacré et l’obscur.