Un virage majeur s’amorce dans le domaine de la recherche biomédicale et des tests toxicologiques, avec une tendance à privilégier des méthodes scientifiques de prédiction de la santé sans recourir à l’expérimentation animale. Cette mouvance, soutenue par divers acteurs, qu’ils soient professionnels, institutionnels ou issus de la société civile, vise à innover pour remplacer l’utilisation des animaux dans cette sphère.
En effet, la majorité des produits courants, qu’il s’agisse de nettoyants, d’aliments, de phytosanitaires ou de médicaments, sont testés sur des animaux. En France, près de 2 millions d’expérimentations animales ont été recensées en 2022. En dépit de la directive européenne de 2010, qui considère l’expérimentation animale comme un dernier recours, ce chiffre s’élève à près de 10 millions de tests annuels sur le continent. Cette réalité soulève des interrogations tant éthiques que scientifiques sur l’efficacité de ces méthodes, car elles peinent à reproduire de manière fiable le fonctionnement normal et pathologique du corps humain.
Une étude récente a mis en évidence que 95 % des médicaments validés chez les animaux ne passent finalement pas le cap de la commercialisation, souvent en raison de leur toxicité ou de leur inefficacité pour l’humain. De plus, le processus de développement d’un médicament, qui peut s’étendre sur une décennie ou plus, engendre des coûts exorbitants, atteignant environ 2,3 milliards de dollars. Des données qui révèlent l’urgence d’une remise en question et d’un changement de paradigme.
Pour le Comité scientifique Pro Anima, qui se consacre à l’élaboration de méthodes non animales pour la recherche et les tests, la problématique ne se limite pas à l’éthique ; elle touche également à des enjeux scientifiques et de santé publique cruciaux. Dans ce cadre, de nouvelles technologies, notamment des méthodes in vitro, ex vivo et in silico, se développent, s’appuyant sur des données humaines qui permettent de mieux recréer les réponses physiologiques et cliniques humaines.
Par exemple, des chercheurs du laboratoire Moderna ont utilisé un foie sur puce conçu par la startup Emulate pour évaluer la toxicité de trente-cinq nanoparticules lipidiques. Cette analyse s’est effectuée en dix-huit mois pour un coût de 325 000 dollars, alors que la méthode traditionnelle aurait nécessité plus de cinq ans et coûté plus de 5 millions de dollars. Ce type d’innovation souligne l’importance de la recherche non animale dans l’avancée des sciences de la vie.
Ainsi, le passage à une recherche sans animaux ne représente pas uniquement un idéal éthique, mais incarne également une opportunité de progrès scientifique. Le futur des essais cliniques et des recherches biomédicales semble donc se dessiner sous le signe de l’innovation technologique et de la préservation des droits des animaux, tout en répondant à des questions cruciales de santé publique.
Mots-clés: recherche biomédicale, expérimentation animale, méthodes in vitro, santé publique, innovation technologique, toxicologie