La contestation violente qui a éclaté au Kenya à la fin du mois de juin a surpris de nombreux observateurs. Les scènes d’incendies, de pillages et de violences policières dans les rues de ce pays réputé pour sa stabilité démocratique et son dynamisme économique peuvent sembler inhabituelles, mais les tensions couvaient depuis longtemps. La population, déjà éprouvée par la baisse des revenus due à la pandémie de Covid-19, a exprimé sa colère face à l’augmentation des taxes imposées par le gouvernement dans un contexte d’inflation galopante.
Le président William Ruto, autrefois considéré comme le défenseur des « débrouillards » kényans, a suscité la déception en mettant en place des mesures impopulaires. Son limogeage presque complet du gouvernement en juillet dernier tentait d’apaiser les tensions causées par des années d’emprunts excessifs et une dette écrasante par rapport au PIB du pays. Pourtant, le projet de loi de finances controversé, contenant des taxes sur des produits de première nécessité, a été retiré à la suite des manifestations populaires.
La population kényane, majoritairement confrontée à la pauvreté, a du mal à accepter les sacrifices exigés par le gouvernement alors que les dépenses somptuaires des élites politiques sont largement médiatisées. Cette disparité flagrante entre les conditions de vie des dirigeants politiques et celles de la population ordinaire a attisé le ressentiment et l’insatisfaction générale. Les jeunes Kényans, de plus en plus critiques envers une politique perçue comme nuisible à leurs intérêts, ont amorcé un mouvement de contestation sans précédent, transcendant les clivages politiques pour se focaliser sur les enjeux socio-économiques.