jeudi 21 novembre 2024
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Ethiopie: tensions ethniques, Eglise orthodoxe en schisme

« Nous sommes à un tournant de l’histoire de l’Eglise orthodoxe, qui pourrait bien être le tournant de l’histoire de l’Ethiopie », estime le professeur Malara.

Le 11 février 2023, le patriarche Abuna Mathias, chef de l’Eglise orthodoxe d’Ethiopie, a tenu une conférence de presse à Addis-Abeba. Malgré l’annulation des manifestations prévues le 12 février, les tensions qui déchirent l’Eglise orthodoxe demeurent. La crise a débuté le 22 janvier lorsque trois archevêques issus de la communauté oromo ont décidé de rompre avec le Saint-Synode, l’autorité suprême de l’Eglise tewahedo. Cette institution représente environ 40% des croyants dans ce pays de 115 millions d’habitants et la menace d’un schisme inquiète les autorités, alors que l’Ethiopie émerge tout juste de deux ans de guerre civile dans la province du Tigré.

Les archevêques dissidents dénoncent le manque de diversité et d’inclusivité de l’Eglise tewahedo, qui la menacerait d’extinction dans les zones du sud du pays. Selon eux, le problème serait linguistique et culturel. En effet, le clergé orthodoxe utilise l’alphabet guèze – celui des langues amharique et tigrinya –, tandis qu’en région Oromia, l’afaan oromo est une langue couchitique utilisant l’alphabet latin depuis 1991. Abuna Sawiros, l’archevêque à l’origine du schisme, affirme que la nomination d’évêques d’autres communautés au sein de l’Oromia a contribué à l’affaiblissement de l’Eglise orthodoxe, car les leaders spirituels ne connaissent pas la langue et la culture des fidèles.

Le Saint-Synode, abasourdi par l’annonce des évêques dissidents, les a immédiatement excommuniés. Les patriarches de l’Eglise tewahedo ont en outre demandé aux fidèles de porter du noir en signe de solidarité, de protéger les bâtiments orthodoxes et de se réunir pour une «marche des martyrs» dimanche. La tension est montée d’un cran suite aux déclarations du premier ministre Abiy Ahmed, lui-même oromo, le 1er février. Le chef du gouvernement est accusé par l’Eglise orthodoxe de s’ingérer dans les affaires religieuses.

Le 4 février, huit fidèles orthodoxes ont été tués par les forces spéciales de l’Oromia alors qu’ils défendaient leur église face au coup de force du nouveau synode. Des prêtres hostiles au schisme ont été battus, harcelés, expulsés de leurs églises et arrêtés arbitrairement dans le reste de la région, selon la Commission éthiopienne des droits humains.

Cette soudaine escalade témoigne des profondes divisions qui traversent l’Eglise tewahedo. «Depuis l’époque impériale, elle est au centre du pouvoir politique en Ethiopie», souligne Diego Maria Malara, professeur d’anthropologie à l’université de Glasgow. Un précédent schisme avait déstabilisé l’Eglise pendant vingt-sept ans, avant de se terminer en 2018. Plus récemment, l’unité des patriarches de l’Eglise a été mise à mal lors de la guerre civile au Tigré.

Afin d’éteindre le feu qui s’est emparé de la société éthiopienne, Abiy Ahmed et le Saint-Synode se sont accordés pour annuler le rassemblement de dimanche. «Nous sommes à un tournant de l’histoire de l’Eglise orthodoxe, qui pourrait bien être le tournant de l’histoire de l’Ethiopie», estime le professeur Malara. Selon le révérend Samuel Berhanu, un porte-parole du nouveau synode, «l’histoire se répète en Ethiopie, et la question des nationalités et de la diversité refait surface».

Mots-Clés: Abuna Mathias, Abiy Ahmed, Oromia, Tigré, Amhara, Afaan Oromo, Eglise orthodoxe, Eglise tewahedo, Diego Maria Malara, Samuel Berhanu.

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