Pierre Cabanes, un éminent épigraphiste et historien du monde grec, s’est éteint le 13 juin à Clermont-Ferrand, à l’âge de 92 ans. Son œuvre scientifique, pionnière dans l’exploration de l’Epire et de l’Illyrie méridionale, des régions considérées comme des marges par la géographie culturelle classique, a été marquée par son approche humaniste de l’histoire et de l’archéologie.
Dès les années 1970, Pierre Cabanes a commencé à travailler en Albanie, pays alors soumis à un régime totalitaire. Malgré les contraintes imposées par ce régime et les tensions entre les différentes nationalités présentes dans la région, l’historien a su établir un dialogue avec ces communautés prêtes à se déchirer au nom de leur patriotisme exacerbé. Son sens de l’écoute et de l’empathie lui a permis de délivrer un message œcuménique, soulignant la communauté de destin de ces peuples depuis l’Antiquité.
Originaire d’une famille ancrée dans un catholicisme social, Pierre Cabanes est né le 23 décembre 1930 au Puy-en-Velay. La guerre et l’engagement résistant de ses proches, notamment son oncle maternel tombé à 29 ans en délivrant Strasbourg, ont profondément marqué son adolescence. C’est à Lyon puis à Paris qu’il a poursuivi ses études d’histoire, notamment sous la direction de grands noms tels qu’Edouard Will, Pierre Vidal-Naquet et Louis Robert.
Sa thèse de doctorat, réalisée sous la direction de Pierre Lévêque, portait sur l’Epire de la mort du roi Pyrrhus à la conquête romaine. Un choix audacieux, puisque les revendications nationales des Albanais, des Macédoniens et des Grecs se confrontaient sur le terrain de l’archéologie, parfois dans la violence. Fort de son expérience en tant que sous-lieutenant en Algérie, Pierre Cabanes a su établir un dialogue réel avec les différentes communautés, malgré la surveillance dont il était la cible.
Sa carrière universitaire a été exemplaire, avec des postes à Nantes et à Clermont-Ferrand où il est devenu le premier président de la nouvelle université Clermont-II. Il a également enseigné à Paris-X-Nanterre avant de prendre sa retraite. Il a présidé le jury de l’agrégation en 1987, témoignant ainsi de sa reconnaissance dans le milieu universitaire.
Au-delà de sa carrière académique, c’est en Albanie que Pierre Cabanes a apporté sa contribution la plus précieuse. Par ses travaux sur les inscriptions grecques d’Illyrie méridionale et d’Epire, ainsi que par le chantier de fouilles qu’il a repris à Apollonia d’Illyrie, il a su établir des relations étroites avec les Albanais et les Grecs, présents lors des colloques qu’il organisait à Clermont.
Pierre Cabanes a également écrit des ouvrages marquants, tels que « Passions albanaises » en collaboration avec son fils Bruno, qui offre une véritable plongée dans l’histoire et la culture albanaises.
La mort de Pierre Cabanes est une perte immense pour la communauté des historiens, mais son héritage perdurera à travers ses travaux et son approche humaniste de l’histoire et de l’archéologie.
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