Chaque matin, le réveil peut apparaître comme une véritable épreuve, une bataille difficile à mener. L’écrivain Alain Souchon évoquait déjà ce sentiment dans les années 80, décrivant le lever comme une intrusion précoce dans notre sommeil. De son côté, Selim-a Atallah Chettaoui, dans son poème Au pieu, illustre avec humour et émotion cette résistance à sortir du lit, où l’attrait d’une matinée ensommeillée se mêle à la contrainte du jour naissant. L’impact des mots de Chettaoui, tant sur scène qu’en écriture, nous plonge au cœur d’une réflexion sur le rapport à la vie quotidienne et à notre environnement.
Dans un monde souvent pressé, la notion de sortir du lit devient un acte symbolique, chargé d’émotions. Le poème Au pieu nous invite à explorer cette intimité désagréable que sont les premières heures du matin, tout en célébrant la beauté des pensées qui émergent dans ce moment de flottement. L’artiste non binaire tunisien évoque ses propres expériences de réconfort, notamment grâce aux sourates du Coran, qui l’ont bercé durant son enfance. Ce rapport nourrissant avec les mots se manifeste également à travers la pratique de la poésie récitative, une forme d’art qui fusionne la voix et le rythme à une distance agréable du quotidien. L’appel du matin se manifeste alors comme une dualité : d’une part, un besoin d’y échapper, et d’autre part, un désir d’y plonger.
Le dilemme du matin : entre contrainte et poésie
Démarrer la journée en sortant de son cocon est loin d’être une simple routine ; cela représente un rite de passage vers un ensemble de responsabilités et d’attentes. « Le jour qui donne envie de rester dans le lit plein de miettes de poils de chat et de taches de café… »
exprime avec finesse cette lutte permanente contre le devoir. À travers son écriture, Chettaoui déploie une palette de sensations, mêlant l’humour à une certaine mélancolie qui traduit la véracité de notre rapport à notre lit.
Ces réflexions sur le réveil mettent en lumière une révolution poétique, celle d’un art oral qui se libère des pages traditionnelles. Ce poème, conçu pour être partagé là où les gens se rassemblent, se nourrit de l’énergie des performances. La magie des mots, couplée à des éléments visuels et musicaux, transforme l’expérience de l’auditeur en un voyage à la fois introspectif et collectif. Chettaoui transforme une simple sortie du lit en une contestation avant même que le café ne soit servi, plaidant ainsi pour une redéfinition de l’art poétique dans un cadre moderne.
Une esthétique du quotidien
Cette approche esthétique de la souffrance matinale encourage une délicate observation de la vie. Le choix d’un soutien sonore techno-rock, ainsi que des mouvements de yoga, crée presque une performance cathartique. Pour Chettaoui, cette dynamique est essentielle ; elle permet non seulement d’éveiller les esprits, mais également de célébrer la tension entre le repos et l’activité, tout en offrant un espace d’évasion.
Redéfinir la poétique moderne
Selim-a Atallah Chettaoui est une voix qui interpelle par sa capacité à établir des liens entre ses racines et la modernité. Au pieu est plus qu’un simple récit de matins : c’est un cri, un appel à l’écoute de soi-même et des autres, une incitation à redonner du sens à l’art de se réveiller. La création de ce poème est une invitation à savourer l’instant, à explorer chaque pensée qui émerge en flottaison, comme des bulles dans un courant tumultueux. Chettaoui joue habilement sur les frontières entre le son et le silence, entre le réveil et le rêve.
Par cette œuvre, l’auteur non binaire nous rappelle que c’est souvent dans le chaos du quotidien que se trouvent des vérités fondamentales, celles que nous devrions prendre le temps d’explorer, même au lever du jour.
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