L’écrivain Olivier Guez fait actuellement escale à Strasbourg, où il se trouve pour quelques semaines, afin de promouvoir son tout nouveau livre, Mesopotamia. Après cette courte période, il regagnera sa résidence romaine, mais il n’a pas l’intention de rester inactif : il partira enseigner un semestre à l’université de Princeton, sur le thème « une histoire transversale de la culture européenne ».
Une voix littéraire cosmopolite
Olivier Guez se distingue par une approche littéraire atypique, en se rattachant à la lignée d’écrivains tels que Stefan Zweig et Joseph Roth. Cet auteur polyglotte, maîtrisant le français, l’allemand, l’anglais, l’espagnol et l’italien, est né en 1974 à Strasbourg. Pour Guez, la route est une source de bonheur, et il avoue n’être jamais aussi épanoui que lorsqu’il parcourt l’Europe en voiture. En évoquant ses ouvrages, il révèle que ses personnages partagent souvent un point commun : ce sont des "personnages en fuite" qui semblent résonner avec sa propre quête de liberté et d’aventure.
Son premier roman, Les Révolutions de Jacques Koskas (Belfond, 2013), illustre ce concept. Ce récit divertissant aux accents hysterico-comiques, rappelle le style de Philip Roth et suit un héros d’origine juive séfarade en quête d’évasion, traversant des villes emblématiques comme Paris, Berlin, Jérusalem et New York. L’écriture elle-même constitue pour Guez une forme d’évasion, une « rupture avec [son] milieu d’origine, très fermé », après avoir été scolarisé dans une école talmudique de l’âge de six à onze ans.
Des récits ancrés dans l’Histoire
Dans son deuxième roman, La Disparition de Josef Mengele (Grasset, prix Renaudot 2017), Guez opère un tournant radical. Il y dépeint avec rigueur la traque de l’ancien médecin d’Auschwitz, qui, en Amérique du Sud, tente d’échapper à ses poursuivants jusqu’à sa mort sur une plage brésilienne en 1979. La profondeur historique de cette oeuvre témoigne de l’obsession de l’auteur pour la mémoire et le passé.
Aujourd’hui, Guez se penche sur un personnage féminin tout aussi fascinant : Gertrude Bell (1868-1926). Elle est archéologue, diplomate et espionne, ayant eu un rôle prépondérant dans les affaires du Moyen-Orient, notamment dans la définition des frontières irakiennes et l’établissement de la dynastie hachémite. « Elle n’avait pas d’autre choix que de prendre la poudre d’escampette », explique l’auteur à propos de cette femme, née dans une prospère famille de l’Angleterre victorienne, qui refuse le sort stéréotypé de vieille fille : « elle ne voulait pas être limitée, alors elle a dû partir ». Pour cela, elle s’initie au persan, à l’arabe et à l’archéologie.
Un parcours littéraire inspiré
La découverte de Gertrude Bell par Olivier Guez remonte à 2003, au cours de la guerre en Irak. En analysant une photo de la conférence du Caire, tenue en mars 1921, qui visait à tracer les contours du contrôle britannique sur l’Irak et la Transjordanie, il est intrigué par la présence d’une unique femme, au milieu de quarante hommes, incarnée par Bell. À l’époque journaliste, il se demande :
Qui était-elle, que faisait-elle ici ?
Fasciné, il inscrit son nom dans un calepin, et quelques années plus tard, en lisant Le Traquet kurde de Jean Rolin (P.O.L, 2018), où Bell est mentionnée, il décide de se lancer dans l’écriture de son livre. « Je cours chez Grasset, je montre la photo du Caire et je dis qu’à travers elle je vais raconter l’histoire du Moyen-Orient », se souvient-il.
Olivier Guez, à travers son oeuvre, continue de questionner et d’explorer les mouvements de fuite, qu’ils soient géographiques ou existentiels. Son regard métissé sur le monde, ainsi que son engagement littéraire, témoignent d’une volonté d’élargir les horizons de la narration et de mettre en lumière des figures souvent méconnues, mais ô combien essentielles à notre compréhension de l’histoire.
Mots-clés: Olivier Guez, Mesopotamia, Gertrude Bell, littérature, histoire, enseignement, cosmopolitisme