L’artiste et écrivain Mahi Binebine incarne une dualité fascinante à travers son œuvre riche et engagée. Ce Marocain aux multiples talents est non seulement reconnu comme l’un des peintres et sculpteurs les plus éminents de son pays, mais également comme un narrateur captivant dont la plume nous transporte. Ses toiles, marquées par des techniques originales, allient cendre, cire d’abeille et pigments uniques, et sont exposées dans des lieux prestigieux, y compris le Musée Guggenheim à New York. De l’autre côté, en tant qu’écrivain prolifique, Binebine a écrit plusieurs romans, dont le célèbre Les Étoiles de Sidi Moumen, qui a même été adapté au cinéma. Avec la sortie de son dernier livre, La nuit nous emportera, nous découvrons les thèmes profonds qui nourrissent sa création.
Dans son nouveau roman, le personnage de Mamaya s’affiche comme une figure centrale, décrite à travers les yeux du narrateur comme une « géante doublée d’une tigresse ». Mamaya est plus qu’un simple personnage ; elle incarne la force, la douceur et la résilience. Elle représente le pilier de la famille dans un contexte où les hommes sont souvent absents. Élevant seule ses sept enfants, elle est tour à tour protectrice et exigeante, guidant ses enfants avec des valeurs de courage et de détermination. À travers ses mots, Binebine évoque une enfance bercée par des figures féminines puissantes, comme sa mère et sa grand-mère, qui ont toutes deux laissé une empreinte indélébile sur sa vie.
Binebine partage avec émotion son parcours : « J’ai grandi au milieu de femmes fortes »
. Il remémore comment Mamaya a su unir la fratrie après l’abandon de leur père, renforçant les liens familiaux dans l’adversité. Sa manière d’élever ses enfants était marquée par des attentes élevées, comme en témoigne cette phrase emblématique : « Vous n’êtes pas idiots, vous avez de quoi manger, vous vous devez d’être les meilleurs. »
Ces mots, marqués par un sens aigu de la responsabilité, dessinent le portrait d’une éducation où chaque enfant était poussé à exceller. Même son frère, considéré comme un héros malgré son incarcération, a su tirer sa force de cette éducation bienveillante mais ferme.
Cette approche éducative fait écho à une tradition culturelle profonde où l’art et la narration jouent des rôles essentiels dans la transmission de valeurs. Dans l’œuvre de Binebine, on trouve cette volonté d’exemplarité, comme si chaque récit et chaque peinture étaient une ode à la résilience humaine. Leurs histoires, ancrées dans des réalités parfois douloureuses, résonnent au-delà des frontières marocaines, offrant une réflexion universelle sur la condition humaine.
À travers les récits de Mamaya et des autres personnages, Mahi Binebine réussit à capturer l’essence même de l’humanité. Avec La nuit nous emportera, il invite le lecteur à naviguer à travers les méandres de la mémoire, des souvenirs d’enfance aux luttes et triomphes des générations. Son œuvre révèle ainsi une profonde admiration pour les femmes de sa vie, des figures qui, dans la douceur de leur amour, ont su forger des identités à la fois fortes et vulnérables.
En somme, Mahi Binebine se présente comme un artisan des mots et des couleurs, créant des ponts entre son Maroc natal et le reste du monde, armé d’une plume incisive et d’une palette vibrante. Sa contribution, tant à la peinture qu’à la littérature, constitue un précieux héritage qui questionne, enrichit et inspire les générations futures.
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