Germaine Richier, figure majeure de la sculpture moderne, a été longtemps éclipsée dans les musées parisiens. Malgré une reconnaissance nationale et internationale pendant les années 1950, aucune rétrospective n’a été organisée jusqu’à l’exposition actuelle à Beaubourg et au Musée Fabre. Cette absence interroge : comment expliquer cet oubli ? Si la sculpture était alors presque exclusivement masculine, Germaine Richier n’a pas souffert du machisme d’un milieu artistique où les rôles féminins étaient souvent limités à la pose. Elle a au contraire été favorablement considérée par ses pairs, dont Bourdelle et Cingria. Elle a exposé régulièrement dans les salons parisiens, a eu son propre atelier et a, dès les années 1930, travaillé et exposé autant en France qu’en Suisse. Elle a rencontré de nombreux artistes, tels que Jean Arp et Marino Marini, ainsi que des écrivains, tels que Jean Paulhan et Francis Ponge. Si elle a connu des difficultés, ce n’était donc pas en raison de son sexe.
Cela étant dit, comment comprendre l’absence de rétrospectives dans les musées parisiens ? Si les critiques et les artistes de son temps ont salué son travail, les générations suivantes semblaient avoir oublié son nom. Si les raisons sont multiples, le contexte artistique du tournant des années 1960 est sans doute l’un des facteurs déterminants. En effet, la sculpture a connu alors une rupture décisive avec les mouvements d’art contemporain et le minimalisme, dont les représentants sont majoritairement masculins, rejettent l’expressionnisme et le figuratif, qui caractérisent l’œuvre sculpturale de Richier. Ce rejet n’est pas propre à la sculpture, car en peinture, l’abstraction triomphe également, notamment avec Pollock, De Kooning ou Piero Manzoni. L’évolution des goûts et des esthétiques a donc sans doute contribué à maintenir la sculpture de Germaine Richier dans l’oubli.
Aujourd’hui, cependant, l’exposition de Beaubourg montre à quel point son travail est riche d’inventivité, de poésie et d’expressionnisme. Comme le soulignait Jean Guichard-Meili, son biographe, en 2018, « Germaine Richier appartient à l’histoire universelle de la sculpture », et ses sculptures, qui conjuguent la force et la fragilité, la violence et l’émotion, attestent de cette affirmation. Il est donc heureux que l’exposition « Germaine Richier », qui a ouvert ses portes à Beaubourg, permette à un public plus large de (re)découvrir l’œuvre de cette artiste d’exception.
Mots-Clés: Germaine Richier, sculpture, figuratif, expressionnisme.