Le paysage de la lutte contre le crime financier et le financement du terrorisme en France a connu une transformation majeure en 2024, marquée par une augmentation historique des déclarations de soupçon reçues par Tracfin. Cet organisme, pivot dans la détection et la prévention des activités illégales, a enregistré des chiffres sans précédent, soulignant une vigilance accrue de la part des acteurs économiques et institutionnels. Alors que la fraude continue de représenter un fléau colossal, cette mobilisation témoigne d’un effort collectif pour contrer les menaces pesant sur la sécurité financière nationale. Retour sur une année clé pour Tracfin et ses partenaires.
Les déclarations de soupçon atteignent des sommets historiques en 2024
En 2024, les déclarations de soupçon ont atteint un niveau record avec 215.410 informations reçues, selon les chiffres publiés par Tracfin et le ministère des Comptes publics. Ce chiffre représente une augmentation de 13 % par rapport à 2023, et il est même le double des déclarations enregistrées en 2020. Ce bond témoigne d’une vigilance accrue dans la lutte contre le crime financier et le financement du terrorisme.
Parmi les déclarations, 93 % proviennent des acteurs financiers soumis à des obligations légales de transparence, notamment les banques, compagnies d’assurance et établissements de crédit. Les prestataires de services en actifs numériques (PSAN), qui incluent les entreprises opérant dans le domaine des cryptoactifs, ont également vu leurs déclarations doubler, atteignant 3.073 signalements en 2024. Ce phénomène est étroitement lié à la croissance des activités liées aux crypto-monnaies, souvent associées à des risques accrus de blanchiment d’argent.
Le secteur non-financier, bien que moins représenté, a également contribué avec 14.487 déclarations, soit une augmentation de 26 %. Cette hausse s’explique par une intensification des pratiques déclaratives chez les notaires, greffes des tribunaux de commerce et opérateurs de ventes volontaires. Ces chiffres marquent une avancée significative dans l’effort national pour traquer et signaler les activités suspectes.
La vigilance s’étend au-delà du secteur financier
Alors que le secteur financier reste le principal contributeur aux déclarations de soupçon, le secteur non-financier joue un rôle de plus en plus crucial. En 2024, les professions non-financières, comme les notaires ou les opérateurs de jeux en ligne, ont montré une mobilisation croissante, avec une augmentation notable de 26 % des signalements. Cette évolution reflète un élargissement de la prise de conscience face aux risques de fraude et de criminalité organisée.
Cependant, certaines professions restent en retrait. Par exemple, les agents sportifs n’ont soumis aucune déclaration, tandis que les commissaires de justice ont considérablement réduit leur participation. Plus alarmant encore, sur les 75.000 avocats en France, seulement 15 déclarations ont été enregistrées. Ces lacunes mettent en lumière un besoin urgent de sensibilisation et de formation pour ces groupes professionnels afin de renforcer leur rôle dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement illicite.
Avec environ 200.000 professionnels répartis dans 50 métiers soumis à l’obligation de déclaration, les efforts pour étendre la vigilance au-delà du secteur financier sont essentiels. Une collaboration accrue entre ces acteurs et Tracfin pourrait grandement améliorer l’efficacité globale du dispositif anti-fraude, notamment dans les secteurs jusqu’ici sous-exploités.
Tracfin : des outils innovants pour contrer le crime organisé
Face à la sophistication croissante des réseaux criminels, Tracfin a adopté des outils technologiques avancés pour renforcer ses capacités d’analyse et d’intervention. Selon Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, ces innovations ont permis, en seulement 18 mois, de saisir 50 millions d’euros liés à des activités criminelles. Cette efficacité accrue repose sur une industrialisation des processus, inspirée par l’évolution même des pratiques des réseaux de crime organisé.
Les nouvelles stratégies de Tracfin incluent une collaboration renforcée avec d’autres entités, ainsi qu’une amélioration de la réactivité opérationnelle. Par exemple, la création de sociétés-écrans, souvent utilisées pour détourner des aides publiques, est désormais détectée plus rapidement grâce à une surveillance automatisée. Cette approche proactive permet de réduire les délais entre la détection d’une fraude, son signalement aux autorités judiciaires, et l’autorisation de saisie des actifs frauduleux.
Ces avancées témoignent d’un effort collectif pour adapter les outils de lutte contre le crime organisé aux nouvelles réalités économiques et technologiques. Tracfin continue d’innover pour faire face à des menaces qui évoluent rapidement, et ces efforts contribuent directement à la sécurité financière du pays.
Fraude en France : un fléau colossal et des ambitions gouvernementales
La fraude reste un fléau majeur en France, avec des pertes estimées à 20 milliards d’euros en 2024, contre 17,5 milliards l’année précédente. Ces chiffres impressionnants soulignent la nécessité d’une action concertée pour contrer ce phénomène, qui touche aussi bien les particuliers que les entreprises et l’État.
Le gouvernement a fixé un objectif ambitieux : 40 milliards d’euros de fraudes détectées d’ici 2029. Cet engagement s’appuie sur des mesures déjà mises en œuvre, telles que le renforcement des contrôles, l’amélioration des outils technologiques, et une meilleure coordination entre les acteurs publics et privés. La ministre des Comptes publics a notamment insisté sur l’importance d’une chaîne de traitement extrêmement réactive, allant du signalement initial par les institutions financières jusqu’à la saisie des actifs illicites.
Au-delà des chiffres, la lutte contre la fraude est également une question de justice sociale et de protection des ressources publiques. Chaque euro détourné prive les services publics de moyens essentiels, et le renforcement des efforts anti-fraude constitue une priorité stratégique pour le pays.
Responsabilité élargie : un appel à l’action pour tous les professionnels
La lutte contre la fraude ne peut reposer uniquement sur les épaules de Tracfin ou des institutions financières. Elle nécessite une responsabilité élargie impliquant tous les professionnels soumis à l’obligation déclarative. Avec environ 200.000 individus répartis sur 50 professions, le défi est de garantir une mobilisation collective face aux activités suspectes.
Cette responsabilité inclut non seulement la détection des opérations douteuses, mais aussi une proactivité accrue dans le signalement à Tracfin. Les avocats, les agents immobiliers, ou encore les acteurs des jeux en ligne doivent intensifier leurs efforts pour combler les lacunes observées en 2024. Une formation renforcée et des campagnes de sensibilisation pourraient jouer un rôle clé pour encourager ces professionnels à prendre part à la lutte contre les crimes économiques et financiers.
Enfin, le partenariat public-privé doit être renforcé pour maximiser l’efficacité des actions entreprises. En unissant leurs forces, les acteurs de tous les secteurs peuvent contribuer à protéger l’économie française contre les menaces croissantes, tout en affirmant leur rôle dans la défense de l’intérêt général.