Le débat sur le remboursement des cures thermales revient régulièrement sur le devant de la scène en France, et Enghien-les-Bains, unique station thermale d’Île-de-France, n’échappe pas à cette controverse. Entre enjeux économiques, efficacité médicale contestée et impact sur les territoires, cette question soulève des interrogations profondes sur l’avenir du secteur thermal. Alors que certains plaident pour la réduction des dépenses publiques, d’autres mettent en avant les bénéfices sociaux et locaux des cures, ainsi que leur rôle dans la santé globale des patients. Ce dossier explore les différentes facettes de ce débat brûlant et ses répercussions à Enghien-les-Bains.
L’avenir des cures thermales en péril face au déremboursement
Les cures thermales en France, un pilier du système de santé pour certains, sont aujourd’hui confrontées à une menace de déremboursement par la Sécurité sociale. Cette mesure, régulièrement évoquée dans les débats publics, met en lumière la volonté de réduire les dépenses publiques, estimant que ces soins coûtent environ 350 millions d’euros par an à l’État. La Cour des comptes, dans un rapport récent, a critiqué le remboursement des cures, évoquant une efficacité médicale non prouvée et soulignant que la France est l’un des derniers pays de l’OCDE à maintenir cette prise en charge.
Pour les établissements thermaux, l’impact serait désastreux. À Enghien-les-Bains, par exemple, Céline Meglioli, directrice des cures locales, estime que la fin du remboursement signerait « purement la fin de [leur] activité ». En effet, le secteur, déjà fragilisé par la pandémie de Covid-19, voit son nombre de curistes chuter. Les coûts croissants de la vie et le faible remboursement des mutuelles accentuent encore les difficultés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de 500 curistes annuels en 2019, Enghien-les-Bains est passé à 300, et ce nombre pourrait chuter à zéro sans aide publique.
Cette situation reflète un dilemme plus large. Si les économies réalisées semblent alléchantes pour le budget public, les conséquences sur un secteur qui emploie des milliers de personnes et sur des patients en quête de bien-être ne peuvent être ignorées. La question du déremboursement divise, entre enjeux économiques et impact social.
Cures thermales : efficacité prouvée ou mythe persistant ?
L’efficacité des cures thermales reste un sujet de controverse. Si certains médecins et patients défendent leurs bienfaits, d’autres les jugent inutiles, voire anecdotiques, du point de vue médical. En effet, selon la Cour des comptes, les preuves scientifiques de l’efficacité des cures sont limitées, ce qui alimente les débats sur leur légitimité dans le cadre des dépenses de santé.
Pourtant, des études montrent des résultats positifs. Une analyse a révélé que les patients ayant suivi une cure voient leurs dépenses de santé baisser de 190 euros dans les six mois qui suivent, alors que le coût pour la Sécurité sociale s’élève à environ 600 euros. Michaël Rochoy, médecin généraliste, admet que les soins associés aux cures — massages, repos et traitements ciblés — contribuent au bien-être général, même si les bienfaits de l’eau thermale en elle-même restent discutables. En revanche, d’autres experts, comme le professeur André Grimaldi, considèrent ces cures comme un luxe, les comparant à des vacances à la mer ou au ski, qui ne relèveraient pas de la médecine au sens strict.
Malgré les divergences, un point semble faire consensus : les cures offrent un environnement favorable au repos et à la détente, des éléments essentiels à la santé mentale et physique. Toutefois, cela suffit-il à justifier leur remboursement ? Le débat est loin d’être clos, et il met en lumière les tensions entre santé publique et gestion budgétaire.
Les cures thermales, un pilier économique pour les territoires
Au-delà de leur impact sur la santé, les cures thermales jouent un rôle crucial dans l’économie locale de nombreux territoires français. Avec 600 000 curistes chaque année, ces établissements sont le moteur économique de 88 collectivités, générant plus de 7 000 emplois directs et près de 100 000 emplois indirects, selon un rapport sénatorial.
Ces séjours, d’une durée moyenne de 18 jours, profitent également aux commerces locaux. Restaurants, hôtels et boutiques voient leur activité augmenter grâce aux curistes qui, en dehors des soins, cherchent à occuper leur temps libre. Une étude menée en Espagne montre qu’un euro investi dans le thermalisme rapporte 1,90 euro à l’économie locale. Ce modèle pourrait également être transposé en France pour souligner l’importance des cures en tant que levier économique.
Malgré ces chiffres, les critiques subsistent. Certains, comme le professeur André Grimaldi, estiment que financer les cures thermales pour leur impact économique revient à détourner les fonds de la Sécurité sociale. Selon lui, si les cures sont nécessaires pour l’attractivité des territoires, elles devraient être soutenues par d’autres mécanismes, et non sous couvert d’arguments médicaux discutables.
Enghien-les-Bains : une exception dans le paysage thermal
Enghien-les-Bains, unique station thermale d’Île-de-France, occupe une place particulière dans le paysage thermal français. Spécialisée dans le traitement des voies respiratoires, elle se distingue par des pratiques qui diffèrent des cures classiques. Ici, pas de baignades dans des bassins d’eau thermale, mais des soins comme l’injection d’eau dans les cloisons nasales, des traitements courts et précis, adaptés à une clientèle principalement locale.
Cette spécificité pourrait expliquer pourquoi les curistes d’Enghien-les-Bains ne contribuent pas autant à l’économie locale que dans d’autres stations. Contrairement aux établissements situés dans des régions touristiques, les patients d’Enghien retournent souvent chez eux après leurs soins, sans séjourner dans les hôtels ni consommer dans les commerces alentour. Céline Meglioli, directrice des cures, souligne d’ailleurs que la pandémie a accentué cette tendance, de nombreux seniors étant devenus réticents à se retrouver en groupe.
Avec une fréquentation en baisse, passant de 500 curistes en 2019 à 300 aujourd’hui, la station d’Enghien-les-Bains illustre les défis auxquels le secteur est confronté. Cette situation soulève des questions sur l’avenir des stations thermales urbaines, dont le modèle économique est particulièrement vulnérable à des changements comme le déremboursement.
Mini-cures : un vent de renouveau pour le thermalisme
Face aux défis économiques et aux évolutions des attentes des consommateurs, les mini-cures émergent comme une alternative prometteuse pour le secteur thermal. Ces séjours courts, de cinq à six jours, s’adressent à une clientèle plus jeune et active, souvent incapable de se libérer pour les 18 jours traditionnels d’une cure conventionnée.
Ces mini-cures, facturées environ 305 euros et non remboursées par la Sécurité sociale, séduisent de plus en plus de Français. En 2024, près de 50 000 personnes ont opté pour ce format, une hausse de 30 % par rapport à l’année précédente, selon le Conseil National des Établissements Thermaux. À Enghien-les-Bains, elles représentent désormais environ 17 % des curistes, une tendance en constante augmentation.
Ce modèle, bien que prometteur, ne suffit pas à compenser la dépendance des établissements thermaux aux cures remboursées, qui génèrent encore 90 % de leur chiffre d’affaires. Cependant, il offre une piste intéressante pour diversifier l’offre et attirer une nouvelle clientèle. En misant sur des séjours plus courts et accessibles, le secteur thermal pourrait bien trouver un second souffle.