Après un mois de suspension pour préserver les dauphins des captures accidentelles, la pêche est de nouveau autorisée dans le golfe de Gascogne. Cette mesure exceptionnelle, mise en place pour protéger une espèce emblématique et vulnérable, a marqué un tournant dans les politiques de conservation marine en France. Cependant, sa levée suscite des interrogations sur son efficacité à long terme et sur son impact économique pour les pêcheurs et les ports locaux. Alors que les bateaux reprennent la mer, cet article fait le point sur les enjeux environnementaux, économiques et stratégiques liés à cette interdiction temporaire.
La pêche reprend dans le golfe de Gascogne après un mois d’arrêt
Dans la nuit de jeudi à vendredi, les bateaux de pêche de plus de huit mètres ont enfin levé l’ancre dans le golfe de Gascogne après une pause de quatre semaines imposée. Cette interruption, qui s’étendait du Finistère à la frontière espagnole, visait à protéger les dauphins des captures accidentelles, une problématique au cœur des préoccupations environnementales. Les 300 navires concernés peuvent désormais reprendre leurs activités, mais les effets de cette fermeture temporaire ne seront visibles qu’à moyen terme.
L’année dernière, une mesure similaire avait montré des résultats encourageants. Selon l’observatoire Pelagis, le nombre de dauphins morts par capture accidentelle avait été réduit de 6.100 (moyenne entre 2017 et 2023) à 1.450 durant l’hiver 2023-2024. Cette réduction significative est un premier pas vers la préservation de l’espèce. Cependant, les chiffres pour cette nouvelle période d’interdiction ne seront disponibles qu’en octobre, laissant les scientifiques et les défenseurs de l’environnement dans l’expectative.
La levée de cette interdiction marque un retour à la normale pour les pêcheurs, mais aussi une étape cruciale pour évaluer l’efficacité des politiques de conservation. Les attentes sont élevées, tant pour les acteurs économiques que pour les défenseurs des cétacés, afin de trouver un équilibre durable entre activité humaine et biodiversité.
Une avancée majeure pour la protection des dauphins
La fermeture temporaire de la pêche dans le golfe de Gascogne a mis en lumière une avancée significative pour la préservation des dauphins, une espèce emblématique mais vulnérable. En limitant les captures accidentelles, cette mesure pourrait s’avérer essentielle pour maintenir la population de cétacés en dessous du seuil de danger critique fixé par le CIEM (Conseil international pour l’exploration de la mer), estimé à 4.900 décès par an.
Cette stratégie, bien qu’expérimentale, s’appuie sur des données scientifiques solides. L’observatoire Pelagis, qui coordonne le Réseau national échouages, a démontré que les fermetures spatio-temporelles peuvent diviser par quatre les décès de dauphins liés aux activités de pêche. Ces résultats confirment que des solutions existent pour concilier pratiques halieutiques et conservation marine.
Malgré ces avancées, des défis subsistent. Les associations environnementales plaident pour des mesures plus strictes, comme l’interdiction totale de certains engins de pêche dans les zones sensibles. Pour elles, il s’agit d’un pas dans la bonne direction, mais insuffisant à long terme. L’enjeu sera donc de transformer ces actions ponctuelles en politiques durables, tout en tenant compte des besoins économiques des communautés locales.
Une indemnisation cruciale mais aux limites visibles
Face à l’arrêt imposé, le gouvernement a mis en place un plan d’indemnisation visant à compenser les pertes des pêcheurs. Une aide à hauteur de 85 % des revenus manquants a été promise, avec une enveloppe de 20 millions d’euros dédiée aux navires et mareyeurs affectés. Cette mesure, bien accueillie par les professionnels, reste néanmoins insuffisante pour couvrir toutes les difficultés rencontrées.
« Certains bateaux ont tenté de se diversifier en pêchant la civelle dans les estuaires », explique Julien Lamothe, directeur du Fonds régional d’organisation du marché du poisson (FROM) Sud-Ouest. Toutefois, cette option n’était pas viable pour tous, laissant de nombreux navires à quai, incapables de générer des revenus alternatifs.
En parallèle, les gestionnaires des ports, comme Christophe Bertaud du port de pêche rochelais, se retrouvent en grande difficulté. Contrairement aux pêcheurs, ils ne bénéficient d’aucune compensation financière, aggravant leur situation économique. Ce déséquilibre met en lumière les limites du système d’indemnisation actuel et appelle à une réflexion approfondie sur une gestion plus équitable des crises sectorielles.
Des choix stratégiques pour continuer à naviguer
Pour s’adapter à ces périodes d’interdiction, de nombreux pêcheurs ont dû faire preuve d’une grande ingéniosité. Certains ont opté pour des stratégies diversifiées, comme la pêche dans des zones non concernées par les restrictions ou l’exploitation de nouvelles espèces, à l’instar de la civelle. Ces initiatives permettent de maintenir un minimum d’activité, mais elles ne compensent pas toujours les pertes subies.
À plus long terme, les professionnels envisagent également des investissements dans des technologies plus respectueuses de l’environnement, comme les filets sélectifs, pour réduire les captures accidentelles de dauphins. Ces équipements, bien que coûteux, pourraient représenter une solution durable, à condition que des aides spécifiques soient mises en place pour leur adoption.
Enfin, la coopération entre scientifiques, pêcheurs et décideurs politiques s’avère cruciale pour élaborer des stratégies adaptées. Des concertations régulières et une meilleure communication entre les différentes parties prenantes pourraient renforcer la résilience du secteur tout en préservant les écosystèmes marins.
Les ports de pêche face à une crise économique sans précédent
Les ports de pêche, piliers de l’économie locale, subissent de plein fouet les conséquences des restrictions de pêche. À La Rochelle, le constat est alarmant : seulement deux bateaux ont fait escale en février 2024, générant à peine 518 euros de redevance. En comparaison, le même mois en 2023 avait enregistré 60 escales pour un total de 50.000 euros.
« Contrairement aux pêcheurs, nous ne touchons aucune indemnité », déplore Christophe Bertaud, directeur du port rochelais. Cette absence de soutien financier place les infrastructures portuaires dans une position critique, menaçant leur viabilité à moyen terme. Les pertes économiques s’ajoutent à une diminution de l’activité commerciale, affectant non seulement les ports, mais également les entreprises qui en dépendent.
Pour éviter un effondrement du secteur, des mesures urgentes sont nécessaires. Une aide spécifique pour les ports et un plan de relance adapté pourraient atténuer les impacts de cette crise. Par ailleurs, l’intégration des ports dans les discussions sur les politiques de pêche serait un levier stratégique pour une gestion plus inclusive et résiliente de ces enjeux économiques et environnementaux.