La profession de coiffeur, longtemps considérée comme un pilier essentiel du commerce de proximité, traverse une crise sans précédent. Avec la prolifération des barber shops et l’arrivée de nouveaux acteurs dans le marché, souvent peu qualifiés, les professionnels du secteur dénoncent une concurrence qu’ils jugent injuste. Au cœur de la polémique : une directive européenne controversée qui facilite l’ouverture de salons. Aujourd’hui, les coiffeurs s’unissent pour défendre leurs droits et réclamer une régulation stricte afin de préserver la qualité et l’équilibre économique d’une activité en danger.
Les coiffeurs manifestent à Paris contre une directive européenne controversée
Ce lundi, la place de la Bastille à Paris a été le théâtre d’une mobilisation exceptionnelle. Plus de 200 coiffeurs et coiffeuses venus des quatre coins de la France se sont rassemblés pour protester contre une directive européenne jugée injuste. Cette législation, mise en œuvre en 2023, facilite l’ouverture de salons de coiffure et de « barber shops », déclenchant une vague de mécontentement dans la profession. L’Union nationale des entreprises de coiffure (Unec), à l’origine de cette manifestation, accuse cette directive de créer une concurrence déloyale. « Nous ne demandons ni aides ni subventions. Nous réclamons simplement des règles équitables pour tous », déclare Christian Doré, président de l’Unec.
Parmi les slogans scandés par les manifestants, « Même métier, mêmes règles » résonne comme une demande d’égalité. Les professionnels dénoncent l’ouverture anarchique d’établissements, souvent sans les qualifications nécessaires, et fustigent l’absence de contrôles promis par le gouvernement. Sous un soleil estival, le rassemblement a permis de mettre en lumière les défis d’un secteur déjà fragilisé. Alors que le marché compte environ 112 000 établissements en 2025, dont 70 000 salons traditionnels, cette prolifération met en péril l’équilibre économique de nombreux professionnels.
Directive européenne : prolifération des salons et saturation du marché
La directive européenne en question a profondément bouleversé les règles d’accès à la profession. Alors qu’auparavant un brevet professionnel (BP) ou un Bac Pro en coiffure était nécessaire pour ouvrir un salon, désormais, un simple CAP coiffure assorti de trois années d’expérience suffit. Pire encore, un salon peut être ouvert si un salarié ou le conjoint du chef d’entreprise possède ces qualifications minimales. Cette simplification des démarches a entraîné une explosion du nombre de salons de coiffure et de barber shops dans tout le pays.
Cette prolifération inquiète les professionnels, qui pointent du doigt la saturation du marché. Avec des charges fixes importantes – loyers, matériel, TVA et salaires – les salons établis peinent à rivaliser avec ces nouveaux entrants qui cassent les prix. Les contrôles promis par les autorités pour assurer une concurrence saine n’ont pas suivi, laissant place à une « loi de la jungle », selon les termes de nombreux manifestants. Résultat : une multiplication des établissements parfois non déclarés, opérant sans respecter les normes en vigueur. Le secteur appelle donc à des mesures urgentes pour encadrer cette expansion désordonnée.
Prix bradés et travail illégal : une crise pour les coiffeurs qualifiés
Face à cette ouverture massive de salons, les coiffeurs qualifiés doivent faire face à des prix de plus en plus bas proposés par des établissements aux pratiques parfois douteuses. Dans certains quartiers, les coupes pour hommes sont affichées à 10 euros, un tarif largement inférieur au seuil de rentabilité pour un salon respectant ses obligations fiscales et sociales. « Entre les charges, la TVA et le matériel, il faut au moins 25 euros pour couvrir ses frais », explique Christian Doré.
Ce dumping tarifaire est souvent associé au travail au noir, selon plusieurs professionnels du secteur. Des prestations non déclarées ou des activités illégales, comme le blanchiment d’argent, sont évoquées par certains. Bien que ces accusations soient difficiles à prouver sans contrôles, elles illustrent le sentiment d’injustice qui règne parmi les coiffeurs. « Nous demandons des contrôles renforcés pour garantir une concurrence équitable », martèle Sylvaine, salariée dans l’Est de la France. Pour beaucoup, cette situation met en danger non seulement leur survie économique, mais aussi la réputation d’un métier exigeant et réglementé.
Amateurs et réseaux sociaux : une nouvelle concurrence déstabilise le métier
Outre les salons physiques, les réseaux sociaux jouent désormais un rôle dans la perturbation du marché. Facebook, Instagram et d’autres plateformes regorgent d’offres de coiffures à domicile ou dans des lieux improvisés, comme des garages. Ces « amateurs » proposent souvent des prestations à des tarifs défiant toute concurrence : 10 euros pour une coupe, 20 euros pour une coloration. Ces pratiques illégales échappent à toute réglementation, aggravant la pression sur les coiffeurs établis.
Les professionnels qualifiés dénoncent une « ubérisation » de leur métier. « Les clients finiront par faire la différence entre une prestation professionnelle et une coupe à 10 euros », estime Sandrine, coiffeuse dans les Yvelines. Mais pour beaucoup, cette concurrence désorganisée fragilise davantage un secteur déjà en crise. La profession appelle à une régulation plus stricte des prestations offertes en ligne, afin de protéger les artisans respectant les normes légales et fiscales.
Formation, TVA réduite et réglementation : les solutions pour sauver la profession
Pour répondre à cette crise, les coiffeurs proposent plusieurs solutions. D’abord, une intensification des contrôles pour identifier et sanctionner les pratiques illégales, qu’elles concernent les salons ou les prestations à domicile non déclarées. Ensuite, une refonte des règles de formation pourrait garantir un niveau de compétence minimum pour tous les acteurs du marché, renforçant ainsi la valeur des qualifications professionnelles.
Autre revendication majeure : l’instauration d’une TVA réduite pour les services de coiffure. « Pendant la crise sanitaire, nous avons prouvé que notre métier est essentiel », rappelle Benjamin, propriétaire de quatre salons à Rennes. Une TVA allégée permettrait de réduire les charges des professionnels, leur offrant un peu de répit face à la concurrence déloyale. Enfin, une meilleure régulation des réseaux sociaux et des plateformes en ligne est nécessaire pour limiter l’émergence d’amateurs non qualifiés. En agissant sur ces différents fronts, la profession espère retrouver une stabilité économique et protéger la qualité de ses services.