Dans le camp Roj, situé dans la province de Hassaké au nord-est de la Syrie, des proches de personnes suspectées d’avoir appartenu à l’État islamique sont retenus. En octobre 2023, un tournant significatif a eu lieu dans le long parcours de familles de femmes françaises djihadistes détenues avec leurs enfants dans des camps kurdes. En effet, le tribunal administratif de Paris, le 13 mars dernier, a pris une décision déterminante : il a annulé les refus opposés par le ministère des affaires étrangères concernant les demandes de rapatriement de ces femmes.
Cette décision inédite fait suite à un jugement de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), rendu le 14 septembre 2022 à Strasbourg, qui avait condamné la France. La Cour avait exigé que les autorités françaises justifient leurs rejets de manière explicite et instaurent un mécanisme de recours indépendant pour les demandes de rapatriement refusées. Par conséquent, le tribunal administratif a contraint le ministère à réexaminer ces demandes dans un délai de deux mois, soulignant ainsi l’importance de la justice face à des décisions souvent perçues comme arbitraires.
Une victoire judiciaire pour les familles
Le parcours des familles de détenues a été semé d'embûches. Ces femmes, qui ont pris part à des activités jugées illégales selon la législation française, se retrouvent désormais dans un limbe juridique. « Une décision historique »
, a déclaré Me Marie Dosé, l’avocate représentant ces femmes, estimant que cette avancée constitue un jalon majeur dans la reconnaissance de leurs droits. Par cette décision, le tribunal administratif pose les bases d’un retour en France, à la fois pour les femmes et pour leurs 29 enfants âgés de 6 à 15 ans.
Jusqu’ici, leurs demandes de rapatriement avaient été systématiquement écartées par le ministère des affaires étrangères, mettant en lumière un manque de transparence et d’uniformité dans le traitement de ces dossiers. Cette nouvelle dynamique pourrait inciter d’autres familles dans des situations similaires à faire appel à la justice, ouvrant ainsi une série de précédents potentiellement importants.
Les implications de la décision
Cette décision pourrait avoir des ramifications dépassant le cadre des familles concernées. En effet, elle pourrait influencer le traitement d’autres demandes de rapatriement d’individus se trouvant dans des situations analogues. Le tribunal administratif vise à mettre fin à une période d’impunité et à établir des règles claires concernant les refus de rapatriement. Ce cadre pourrait également servir de référence à l’avenir, tant pour les avocats que pour les juges, dans des affaires impliquant des questions de sécurité nationale et de droits individuels.
Un retour à la maison : un chemin semé d’embûches
Les implications de ce jugement vont au-delà d’une simple victoire devant un tribunal. Bien que le chemin vers le rapatriement semble ouvert, beaucoup de questions subsistent, notamment sur le traitement réservé à ces femmes à leur retour. Après leur rapatriement, il est fort probable que ces femmes soient parfois perçues avec méfiance par la société et devront faire face à des enquêtes judiciaires.
Le rôle des autorités françaises
Pour la France, cette décision constitue un défi supplémentaire. En rendant la situation des familles de détenues plus visible, le gouvernement se voit contraint de définir une ligne claire sur les politiques de rapatriement. Le ministère des affaires étrangères devra non seulement assurer que les dispositifs judiciaires existants respectent les préconisations de la CEDH, mais également que les actions entreprises répondent à la fois aux préoccupations de sécurité et aux obligations en matière de droits humains.
Dans ce contexte, la sécurisation des retours et l’intégration des rapatriés feront l’objet d’un intérêt accru de la part de la société civile, des ONG et des pouvoirs publics. Cela soulève également des questions éthiques, alimentant le débat sur la responsabilité de la France vis-à-vis des ressortissants ayant rejoint des groupes armés à l’étranger.
Les avocats des familles, ainsi que les associations de défense des droits de l’homme, continueront de surveiller attentivement la mise en œuvre de cette décision, tout en espérant qu’elle soit le début d’une série de mesures favorables à des personnes souvent oubliées par les institutions.
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